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LA MAISON DES BORIES

Elle saisit son fils d’un mouvement presque farouche, comme pour le défendre contre un danger :

— Non, dit-elle, sombrement, ça n’est pas vrai. Tu le sais bien que ça n’est pas vrai. Tu es mon merveilleux petit garçon et tu peux arriver à tout ce que tu voudras. Mais il faut vouloir, tu entends ? il faut vouloir.

Laurent secouait la tête en pleurant :

— Un crétin, un voyou, un pauv’ type, voilà ce que je suis ! Un pauv’ type… Est-ce que ça peut vouloir quelque chose, un pauv’ type ? Il a raison, quand il dit que je te fais honte, c’est vrai, dis que c’est vrai…

— Laurent, demanda Isabelle d’une voix basse, est-ce que tu veux me faire mourir de chagrin ? Est-ce que tu veux que je sois demain matin une vieille femme toute blanche, avec des rides ?

— Ah ! cria Laurent en se redressant comme mû par un ressort, des rides, toi, des rides ! attends un peu, attends, les rides, je tirerai tellement sur la peau qu’il faudra bien qu’elles s’en aillent !

Il ouvrait tout grands ses yeux de velours et de feu, serrait les mâchoires et les poings, soufflait et renâclait comme un petit taureau.

— Eh bien ! voilà, dit Isabelle, voilà comment il faut vouloir travailler, pour devenir un homme instruit et pour que je sois fière de toi. Allons, fais voir ce problème.

Il se rassit sur sa chaise et tous les deux se penchèrent sur le problème. C’était tout de même un de ceux qu’Isabelle aurait pu résoudre, — mais il ne fallait pas avoir l’air d’aider Laurent. Elle lui lut la donnée plusieurs fois tout haut, lentement, avec des pauses qui séparaient les éléments de la difficulté et une lumière parut se faire dans l’esprit du petit garçon :

— Attends voir, attends voir…