Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
LA MAISON DES BORIES

Le Corbiau, au contraire, montrait des dispositions remarquables. Bien qu’elle eût un an de moins que Laurent, elle l’avait rattrapé sur ce point et même dépassé, — mais cette supériorité non partagée lui paraissait une tare, comme la marque de son origine étrangère et il lui arrivait plus d’une fois de faire exprès un problème faux et de répondre de travers à Mlle Estienne, alors que le prisonnier de la muraille de cristal répondait juste et savourait la solution du problème, bonne pour lui tout seul.

Elle proposa timidement :

— Tu veux que j’essaie de voir si je peux le faire ?

— À quoi ça sert ! répondit Laurent avec fureur.

Il martela son cahier en grondant entre ses dents : « Vacherie, vacherie, vacherie, vache de cochonnerie, de saloperie… »

Son menton tremblait, déformé par l’avancée de la mâchoire inférieure qui en faisait un bloc massif et brutal. Isabelle posa la main sur son poing :

— Allons, allons… Laisse ce problème, tu t’y remettras tout à l’heure. Apprends ton histoire naturelle. Et ne parle pas comme Ludovic, avec des mots dégoûtants.

— Oui, oui, balbutia le petit garçon d’un air égaré. Oui, Ma Gentille.

Il leva sur elle des yeux brusquement emplis de larmes :

— Tu vois bien pourtant, tu vois que je suis un crétin ! Un crétin et un voyou, c’est vrai, c’est vrai, tu vois bien !

— C’est pas vrai ! cria Lise avec feu. T’es un z’homme épatant !

Et le Corbiau, à quelques secondes d’intervalle ; répéta en détachant nettement les syllabes :

— Ça n’est pas vrai. C’est idiot ce que tu dis.

Le visage d’Isabelle s’était durci et de nouveau elle semblait chercher quelqu’un derrière Laurent.