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LA MAISON DES BORIES

élu pour demeure Isabelle Comtat et le traînait, lui, pitoyablement à la remorque.

Tout à coup, il aperçut sur la cheminée un petit bouquet de violettes de Parme et sa fureur jalouse le ressaisit, par association de l’image des fleurs et de l’idée d’amour. Mais il essaya de rester calme et ironique comme elle, puisque la violence la faisait rire.

— Et alors ? demanda-t-il en étendant les jambes et faisant jouer ses poignets dans ses manchettes avec une feinte aisance, comment va votre amant ? Il paraît qu’il a bien travaillé pour moi et que le tirage de sa traduction est presque entièrement souscrit, grâce à ses bons soins. Avouez qu’il me devait bien ça, après avoir failli m’expédier ad patres

Il l’observait et la vit pâlir. Un élan irrésistible le jeta sur elle, les poings levés, les dents serrées, broyant les mots :

— Combien avait-il donné à Ludovic pour me tuer ? Hein ? Hein ? À combien aviez-vous estimé ma peau, deux crapules ?

— Vous êtes fou ? cria Isabelle avec un tel élan d’ébahissement que ses poings retombèrent. Ce ton-là, cette mine-là ne s’inventaient pas. À moins… Était-elle à ce point comédienne ?

— Ah ! par exemple ! reprit-elle avec violence, voilà une insulte dont vous me rendrez raison ! Qu’est-ce que vous osez dire ? Qu’est-ce que vous osez penser ? Et vous profitez de ce que je suis dans mon lit et que je ne peux pas vous mettre à la porte avec deux paires de gifles !

— Voyons, voyons, dit Amédée en passant la main sur son front, ne nous emballons pas. Procédons par ordre. Je retire ce que j’ai dit, jusqu’à plus ample informé. Mais si…

— Il n’y a pas de « plus ample informé », coupa la voix impétueuse. Quand on avance une chose pareille, c’est qu’on en est sûr. Allez chercher vos gendarmes !