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LA MAISON DES BORIES

gumène », adressa à Isabelle un sourire réconfortant et sortit d’un air digne.

— Vite, haleta la jeune femme. Ne me faites pas mourir. Parlez.

M. Durras s’approcha du lit, les bras croisés, pencha sur sa femme un masque de craie sculpté par la haine, où seules vivaient deux prunelles d’un bleu de Prusse :

— Quelle sorte de femme êtes-vous donc ? murmura-t-il d’une voix sourde, où passait un accent de terreur. Dites ? Je voudrais le savoir ?

— Et vous ? répliqua-t-elle fermement, plongeant son regard dans le sien. En ce moment, êtes-vous un homme ou une bête ?

Une lueur de conscience humanisa un instant la face blême. Amédée recula, se prit les joues à deux mains et gémit :

— Tout de même ! tout de même ! Dire que j’aurais pu être si content de vous revoir !

— Oui, dit Isabelle, voilà.

Soudain, l’angoisse eut raison de son courage. Elle se mit à pleurer :

— Parlez, dites-moi ce qui est arrivé. Ayez pitié, ne me torturez pas, je suis si fatiguée, si fatiguée…

— Hain ! gniain, gniain, gniain ! j’suis fa-ti-i-gué-e, fit M. Durras en imitant la voix traînante d’une femme qui pleure. Vous pouvez crever ! tonna-t-il, immédiatement après, de toute la force explosive de sa fureur.

Isabelle releva le menton d’un coup sec, regarda son mari, s’accota à ses oreillers. Un feu subit avait séché ses yeux :

— Merci, j’aime mieux ça. À nous deux. Vous allez me dire ce qui s’est passé. J’aime autant vous prévenir que s’il est arrivé malheur aux enfants à cause de vous, vous ne sortirez pas vivant de mes mains.

Le « Hein » ? d’Amédée éclata comme un coup de trompette. Ce souffle donné, il suffoqua :