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LA MAISON DES BORIES

di-ît ! Vous vouliez nous emmener tous, tous, tou-oûs ! Et Isabelle n’a pas voulu-û ! Oh ! pourquoi n’a-t-elle pas voulu-û ! Maintenant il va le tuer-êr !

Amédée s’immobilisa. Le sang quittait ses membres, refluait à la tête. Son visage pâle devenait pourpre. La locomotive en détresse continuait à lancer ses appels :

— Oh ! comme vous l’aimiez, comme vous l’aimiez ! Et elle aussi, elle vous aimait, et nous aussi, et nous aussi ! Nous vous aimions tous, tous, tou-oûs ! Et elle n’a pas voulu parti-îr ! Oh ! pourquoi n’a-t-elle pas voulu parti-îr !

— Qu’est-ce que tu dis ? souffla M. Durras, en saisissant la petite fille par les deux bras et la mettant debout, face à lui.

Elle le regarda en plein visage, de ses prunelles béantes, serra les dents, serra les lèvres. Maintenant, plus un mot.

— Veux-tu répéter ce que tu viens de dire ?

Plus un mot.

Il passa une main fébrile sur son front, lâcha la petite fille, essaya de la persuasion, d’une voix hachée par l’effort qu’il faisait sur lui-même :

— Voyons, ma petite, parle. Qu’est-ce que ça veut dire, ce que tu criais tout à l’heure ?

Plus un mot. Elle le regardait, tranquille. Il la saisit, d’un mouvement dont il ne fut pas maître, l’éleva en l’air comme pour la fracasser sur le parquet.

— Veux-tu parler ou je t’assomme !

Lise poussa un cri aigu et se mit à sangloter.

— Monsieur, Monsieur… balbutia Antonin, qui s’approchait en tremblant.

— Vous, foutez le camp ! hurla M. Durras.

Ah ! s’il avait eu seulement une grande personne en face de lui ! Mais cette enfant, cette enfant…

Elle le regardait toujours sans ciller, comme insensible. Et en réalité elle était insensible, toute ré-