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LA MAISON DES BORIES

— Non, non, pas Juliette ! C’était pour rire, chef de gare. On n’a fait que du 110.

Trop tard, trop tard… Laurent se dresse sur la pointe des pieds, son nez court hume la vengeance, ses yeux brillent :

— En avant, les garçons ! Kss, kss, sur les filles ! Rossez-les, traînez-les par les cheveux ! Moi, je me charge de celle-là.

Un cri déchirant répond au geste de son poing vainqueur qui se referme sur une poignée d’air : l’adorable cou de Juliette.

— Je la tiens, ricane Laurent, on va la faire brûler. Henri, apporte-moi des fagots.

Chientou bondit follement autour du « bûcher ». Lise se rue sur le bourreau, toutes griffes dehors, en hurlant. D’une bourrade, il l’envoie rouler à dix pas, elle se relève d’un tour de reins, crachant de fureur comme un chat-tigre, se rue de nouveau ; mais la voix de Juliette l’arrête net, une petite voix de ventriloque qui sort en gémissant du gosier de Laurent :

— Ne le touche pas, ne le touche pas ! Il va se venger sur moi ! Oh ! mon Dieu, mon Dieu, qu’il est méchant ! Adieu, ma Zagourette, je vais mourir ! Adieu, adieu, pense à moi quelquefois…

— Oh ! sanglote Lise, le cœur fendu. Attends, ma Juliette, attends, tiens bon…

Elle vole vers la maison, passe à travers les portes, s’abat sur Isabelle :

— Z’amie, au secours ! Il est en train de brûler Juliette !

Isabelle lâche tout, accourt ventre à terre, saisit Laurent par le col de sa blouse et le secoue :

— Monstre ! Brute ! Néron ! Attila ! Veux-tu laisser Juliette !

Néron-Attila sourit de la narine droite, cligne de l’œil gauche : « Allons, tu vois bien que c’est pour la frime, » se baisse et fait mine de ramasser sur le sol