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LA MAISON DES BORIES

que le Chat Fou et le Corbiau sont pas comme elles sans ça je pourrais pas les voir. Mais tu m’as dit que si j’étais méchant ça te ferait mal au ventre alors si c’est vrai, attention.

« Peut-être que tu as eu un peu mal hier pasque je me suis mis en rage, mais aussi tu sais pas ce qu’Antonin a fait, ce cochon-là ? Il a tué le Colonel ! Et tu sais pas pourquoi ? Pasqu’il se battait avec le nouveau coq que le maire nous a donné, un grand idiot avec des plumes aux pattes qui a l’air de se trouver intéressant je ne te dis que ça. Il a dit que c’était papa qui avait dit de le tuer. Alors j’ai rien dit à papa, mais j’ai rossé Antonin qui riait comme un imbécile et je lui ai dit ce que tu ne veux pas que je dise : « Crève donc » et tout le reste. J’étais malade de rage et ce matin j’ai dit à Marie que j’en mangerais pas, de son Colonel, qu’elle a fait cuire à la poule en bœuf. Eh ben, elle m’a dit, vous aurez rien d’autre à manger. Eh, ben, j’ai dit, je crèverai de faim et ça m’est égal et pis d’abord il est maigre comme tout et dur comme de la carne, votre Colonel. Et c’est vrai tu sais, pauvre vieux Colonel, il était pas fait pour qu’on le mange.

« On a commencé les semis de notre jardin avec le Corbiau. Elle a semé cette année rien que des pavots comme fleurs et une planche de pois mange-tout. Moi j’ai semé des gris-maraîchers et pis du réséda et planté des boutures de bégonias et des œillets. Je pense faire aussi une planche de laitues et de chicorées et peut-être de la doucette que tu aimes bien avec de la betterave. Tu sais comme je sais bien faire pousser les salades.

« Je t’envoie deux portraits de fleurs avec ma lettre ci-inclus. C’est un coucou et une anémone. Ma Gentille, si tu voulais m’apporter des crayons de couleur et des pois fulminants quand tu reviendras, tu me feras bien plaisir. Quand est-ce que tu reviens ?