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LA MAISON DES BORIES

les relut soigneusement pour corriger les fautes d’orthographe et barra sur la lettre de Lise le : (médeçin). Pendant ce temps, les enfants la regardaient, les bras appuyés à la table, dans une pose rêveuse, avec un sourire mystérieux, ironique et lointain qui imprégnait d’une soudaine ressemblance leurs trois visages dissemblables.

— Maintenant, vous pouvez aller jouer jusqu’à l’heure du déjeuner. Tâchez de jouer gentiment, sans faire de bruit, et ne vous battez pas. Et ne sortez pas du jardin, n’est-ce pas ?

— Oui, Mademoiselle. Non, Mademoiselle, chantonnèrent en s’éloignant des voix d’enfants sages.

Ils allèrent droit à la remise, qui était pleine de soleil et de copeaux de bois frais, Laurent se campa au milieu, étrangla sa taille entre ses deux mains et frétilla en imitant la voix de Mlle Estienne :

— P’tite mère ! Ouh ! là, là, ma chère petite mère de petite tante !

Et tous les trois éclatèrent de rire en gambadant et se roulant dans les copeaux comme de jeunes chiens.

Quand ils furent calmes, ils sortirent des crayons et du papier d’une cachette ménagée derrière l’établi et se mirent en devoir d’écrire à Isabelle.

« Ma Gentille, mon Petit Morceau de Sucre.

« Comment vas-tu ? Bien, j’espère. Les lettres qu’on t’a écrit tout à l’heure, ça compte pas, c’est de Mlle Estienne. C’est une brave fille et on fait ce qu’on peut pour pas la faire enrager. Par moments on croirait qu’elle est bête et d’autres fois pas du tout. Je sais pas bien comment t’expliquer, il faudra qu’on en parle quand tu reviendras. Je pense tout de même qu’elle est pas bête puisqu’elle est institutrice. Enfin on l’aime bien et on fait ce qu’on peut. Je suis sage et je fais pas enrager Juliette et pourtant je t’assure que ces filles me tapent joliment sur les nerfs, Juliette et les autres, avec leurs manières. Heureusement