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LA MAISON DES BORIES

effleure le pied d’Isabelle et vite détourne la tête et contemple le parquet d’un air de fiancée pudique, éperdu de bonheur et de confusion parce que sa maîtresse lui pétrit l’oreille et l’appelle en riant « ma vieille bête de chien ».

Un soir, Lise et Laurent s’étaient sauvés dans le couloir pour mijoter quelque tour pendable qui les faisait rire aux éclats. Le Corbiau appuyait sa tête, comme à l’ordinaire, sur les genoux d’Isabelle. Elle leva les yeux et du ton le plus simple, comme si elle continuait une conversation commencée, elle demanda :

— Ma Belle Jolie, pourquoi donc tu n’as pas voulu partir avec Carl-Stéphane ?

— C’était donc ça ? pensa Isabelle, à la fois soulagée et surprise.

Mais de sa surprise, elle ne montra rien. Elle savait aussi être fidèle à un système et le sien consistait à ne jamais laisser pénétrer dans l’esprit des enfants, pour autant que cela dépendit d’elle, la notion des mystères coupables et du fruit défendu. Elle s’appliquait à leur persuader, par toute son attitude et ses propos, qu’il n’y avait jamais rien que de propre et de clair et qu’il fallait toujours aller au fond de tout, avec un regard clair et un esprit bien nettoyé, fortifié de prudence et de volonté.

C’est pourquoi elle répondit, tout naturellement et sincèrement, avec un sérieux qui haussa la petite fille à vingt coudées au-dessus d’elle-même :

— Parce que, vois-tu, mon Corbiau, entre un mari et une femme, même s’ils ne s’accordent pas très bien, il y a la parole d’honneur, — et que ça ne s’emporte pas dans une valise.

« Et puis, parce que je suis à vous et rien qu’à vous, mes Carabis. »