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LA MAISON DES BORIES

elle criait… comme elle pleurait, comme elle pleurait… Quelque chose d’atrocement absurde et conditionnel de pleurer comme ça, parce que Laurent mangeait du pain et du saucisson. Et, nota bene, très exactement assis tout seul sur cette pierre d’un quintal, dix grammes et cinquante centigrammes — et le père enterré là-dessous, s’il vous plaît. De sorte que pour le faire sortir de là-dessous il aurait fallu déployer une force de… allons, de combien, Laurent, en dynes ? Naturellement, tu ne sais pas. Tiens, tu n’es qu’un crétin, va le dire à ta mère et qu’elle vienne me chercher ici, car je commence à en avoir assez, assez et plus qu’assez, tu m’as compris ?

…Ah ! monte, monte ! Eh bien ! non, c’était exaspérant à la fin. Et, nota bene, elle aussi avait une pierre d’un quintal, dix grammes et cinquante centigrammes sur la poitrine et le petit s’asseyait dessus, tout pareil. Toujours du pain et du saucisson et aucune espèce d’utilité. Alors, à quoi bon, n’est-ce pas ? Toujours est-il que si on raconte maintenant que le père le tenait par la jambe pour l’empêcher de monter, c’est très exactement le contraire, je vous prie, monsieur Kürstedt et il n’y a qu’à s’en laver les mains, et encore avec une pierre ponce.

…Mais pourquoi est-ce qu’il fait l’imbécile, maintenant, sur sa table d’orientation ? C’est pour me faire peur, hein ? C’est pour me faire peur, dis ? Laurent ! Laurent ! Veux-tu bouger tout de suite et ne pas me faire peur comme ça ! Laurent ! À quoi ça sert de raconter que tu es mort, puisque ta mère ne te croira pas ? Laurent ! Laurent !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Isabelle donnait à boire au fiévreux, redressait les oreillers qui le maintenaient assis dans son lit. Les visions du délire s’effaçaient pour un moment, une respiration oppressée, mais régulière, succédait au monologue sourd et précipité, haché de cris d’angoisse,