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XIV


Une peur imprécise, glaçante, serrait Isabelle à la nuque et la volonté d’avancer quand même lui bandait le menton, tendu, raide et douloureux sous la pluie. Elle s’efforçait de ne penser à rien, ni au danger présent, ni à l’angoisse qui lui scellait les mâchoires, ni aux enfants restés tout seuls à la maison, ni aux suites probables de cette tragique aventure. Elle s’appliquait à bien tenir les rênes et à rester calme, pour ne pas affoler la jument. Chientou, dressé sur ses pattes de derrière, posait les pattes de devant sur le siège, près de sa maîtresse, mais à chaque fois qu’une lézarde fulgurante et tonnante déchirait l’obscurité, il se rejetait dans le fond de la voiture avec un gémissement humble. Isabelle aurait voulu lui parler, elle ne le pouvait. Elle tira sur les guides en voyant un tas de branchages abattus en travers de la route, arrêta la voiture et sauta à terre pour écarter l’obstacle. Le chien se mit à hurler lugubrement et la jeune femme cria, les dents ouvertes par un élan panique, lorsque son pied heurta un corps étendu sous les branches.

Elle revint en courant vers la voiture, foula le chien, tête et flancs, sous ses mains affolées en lui criant de se taire. La jument pointait les oreilles et commençait à danser. Isabelle se dompta pour lui parler d’une voix normale et quand la bête fut calmée, elle était calme aussi. Elle décrocha la lanterne, en