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LA MAISON DES BORIES

— Pleure pas, dit Laurent, on n’a pas besoin de çà. Allez, donne-moi la main, viens. Viens, Corbieau, reste pas plantée comme une souche. T’inquiète pas, Ma Gentille, je m’occupe des gamines.

Isabelle saisit la bride de la jument et tira comme si toute son énergie était passée dans son poignet.

La montée s’acheva sous une pluie battante, parmi les roulements incessants qui se rapprochaient. Laurent avait jeté une couverture sur les épaules des filles et se laissait mouiller.

Au moment où le cortège arrivait à la barrière du jardin, un fracas semblable à la chute verticale d’une énorme pile d’assiettes éclata derrière eux, sur la route, accompagné d’une lueur fulgurante.

Psshiiou, fit Laurent, sifflant entre ses dents. Celui-là n’est pas tombé loin.

M. Durras avait perdu connaissance. Laurent proposa d’aller chercher Clodomir pour aider à le transporter. Isabelle fit « non », de la tête, courut chercher une chaise ou elle assujettit à l’aide de deux serviettes nouées ce corps tragiquement inerte et en réunissant leurs forces, ils parvinrent à le transporter dans la maison. Un cordial le ranima pendant qu’Isabelle lui dénudait le torse et lavait la blessure, — un petit trou rond à la hauteur de l’omoplate gauche. Quand elle eut achevé un bandage sommaire, elle courut chercher des vêtements secs, fit signe aux enfants de se déshabiller, entassa du papier et des fagots dans la cheminée, y jeta une allumette, s’engouffra dans le couloir, revint enveloppée d’une limousine qui lui tombait jusqu’aux pieds, un béret de laine blanche enfoncé sur les cheveux, désigna du bras la direction de Chignac et disparut. Une minute après, on entendait le roulement de la voiture décroître et se perdre.

Laurent traduisit pour son père, d’un ton rassurant, plein de promesses :