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LA MAISON DES BORIES

Cela vous donnait une espèce de sentiment de supériorité, cet échange de menues informations qui n’intéressaient qu’un petit groupe de personnes privilégiées, celui-là même dont vous faisiez partie. Oui, malgré les discordes et quel que fût l’attrait des aventures passagères, cela existait, le foyer.

Il passa l’index sous le lobe de l’oreille d’Isabelle, car il avait pris place sur le siège d’avant, à côté d’elle, qui conduisait.

— Et alors, vous, Isabelle, cela va bien ?

Elle répondit en souriant ; « Très bien, très bien, » et lui jeta un coup d’œil étonné et investigateur dont il fut un instant gêné. Mais il ne lui en voulut pas.

— Et Kürstedt, à propos ? A-t-il bien travaillé ?

— Il doit être à Paris depuis huit jours. Mais je pense qu’il reviendra bientôt,

— Il vous a fait la cour, hein ? demanda-t-il en lui serrant le haut du bras, par plaisanterie.

Cette idée qu’on pût faire la cour à une femme aussi froide que la sienne l’amusait prodigieusement.

— Prenez donc garde aux enfants, murmura Isabelle d’une voix basse et rapide.

— C’est vrai, les enfants…

Il se retourna vers le fond de la voiture. Lise, les mains aux genoux, se penchait vers son frère, secouait ses boucles en riant.

— Tu vois, j’ai déjà à moitié gagné. Qu’est-ce que tu me donneras, en pour ?

— Macache, dit Laurent. On avait parié sans enjeu.

— Ah ! zut, c’est vrai. Eh ! bien, ça fait rien, Tu m’embrasseras quand même, dis, mon z’animal ?

— Tais-toi ! souffla Laurent.

Il venait de s’apercevoir que leur père les écoutait. Amédée retrouva sur le visage du petit garçon cette expression de méfiance animale qu’il ne pouvait souffrir. C’était sa première impression désagréable depuis le retour. Lise était incomparablement plus gen-