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LA MAISON DES BORIES

essuyait doucement la sueur qui perlait au front des enfants, tantôt, le buste penché hors de la fenêtre, elle essayait de trouver une bouffée d’air frais dans la nuit opaque. Tantôt, l’oreille collée à la porte fermée à clef, elle écoutait les pas suspendus de Ludovic, qui parcourait le vestibule du deuxième étage, soulevé de haine et qui à un moment donné, descendit l’escalier sur ses pieds de feutre et resta là, dans le couloir. Jusqu’à ce qu’il fût remonté, Isabelle se tint derrière la porte, serrant dans sa main la hachette de la cuisine. Elle n’avait jamais su se servir d’une arme à feu.

Vers la fin de la nuit, l’orage éclata, délivrant la terre, et Isabelle s’endormit pour deux heures, car elle devait se lever tôt pour conduire Ludovic et Marie-Louise à Chignac où ils prendraient le train de Clermont.

Une dernière fois, Ludovic saisit les rênes. Il n’avait pas desserré les dents et son front bas rappelait la couleur plombée du ciel, la veille.

Isabelle au fond de la voiture parlait affectueusement à Marie-Louise, dont les yeux rougis lui faisaient peine.

— Ah ! ma pauvre Marie-Louise, qu’une femme est donc malheureuse, quand elle dépend d’un homme !

Et Marie-Louise soupirait :

— Si on pouvait seulement savoir ce qu’ils ont dans la cervelle…

Les pavés pointus de Chignac retentirent sous les roues. Isabelle se pencha pour répondre au bonjour du curé de Saint-Jeoire, qui s’en allait à la gare à bicyclette. Elle aperçut au même moment une silhouette dégingandée qui s’effaçait au coin d’une rue. Carl-Stéphane ici ? C’était bien lui, elle aurait reconnu entre mille cette manière de dévisser la taille en marchant et de rejeter alternativement les épaules en arrière.

Quand elle eut déposé le couple à la gare, elle revint dans la ville, arrêta la voiture au coin de la rue où