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LA MAISON DES BORIES

voix, hachée par le souffle précipité de l’angoisse. Je l’ai toujours senti. C’était trop facile, si vous aviez voulu, ce chemin, trop facile, trop heureux. Il ne faut pas que je sois heureux. Il faut que je sois seul. Dans arbre, j’étais seul à me battre contre les guêpes. Seul après, dans la forêt, avec les petits hommes volants, toujours seul…

— Stéphane ? Que dites-vous ? Stéphane ! répondez-moi ! que regardez-vous ?

La voix inquiète voletait, battait de l’aile, à la recherche de l’autre voix perdue. Et voici qu’après un silence, l’autre revint, lourde, fatiguée, comme d’un long voyage.

— Rien… oh ! rien… Rien.

— Allons, venez, mon petit enfant, reprit la deuxième voix, très douce, comme si elle offrait à l’autre, si fatiguée, de s’appuyer sur elle pour rentrer à la maison ; sans doute, à la maison, lui donnerait-elle à goûter.

Le temps passa. Les voix s’étaient tues. Évanouies, les présences opaques. La lumière chantait. Allongée dans le sillon, le menton reposant sur ses bras croisés, la petite fille écoutait voyager en elle, lentement, sûrement, une à une, sans un oubli, ces paroles tombées du monde des grandes personnes dans la maison du champ de seigle.