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LA MAISON DES BORIES

Je me lève brusquement et je balbutie :

— Oh ! il faut faire quelque chose…

Alors la petite me regarde, les mains jointes, comme en extase :

— Je le savais, Carl-Stéphane, je le savais…

Que savait-elle ?

Elle n’a plus rien dit, moi non plus. Nous avons remonté le chemin, vers la maison. Ses yeux me souriaient. Petit être innocent, indéchiffrable…

Et puis la journée a passé. Et me voici à nouveau devant des résolutions informes, une extase annihilante et le sentiment d’un cruel devoir qui me point. Verrai-je clair un jour ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

30 juillet. — Nous courions tous les deux sur une route. Il faisait nuit, un vent furieux tordait les arbres. J’avais peur, comme si on nous poursuivait. Je vois un saule creux et je lui fais signe de se cacher dans le tronc. Mais elle continue à courir en criant ; « Les guêpes ! les guêpes ! » Au même moment, je m’aperçois que je suis à l’intérieur du saule et qu’un essaim de guêpes me harcèle.

Maintenant, je me trouve dans une forêt de sapins très sombre. Au pied des sapins, dans la mousse, une bordure de plantes étranges, qui tiennent du champignon et de la plante grasse et qui reproduisent vaguement la forme d’un corps de hibou, avec les deux pattes distinctes, griffues, un bec au milieu de ce qui paraît la face et deux gros yeux ronds. Je détache ces plantes du sol, comme des champignons, en pensant que Mme Durras sera très intéressée par leur aspect rare, — et tout à coup je m’aperçois qu’ils sont vivants, qu’ils bougent et que leurs yeux de hibou me regardent avec une expression humaine. Je les lâche, ils s’envolent en troupe nombreuse. L’idée me vient qu’ils vont chercher du renfort pour me