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VIII


25 juillet — Je voyais Mme Durras assise sur une souche, dans une clairière entourée de sapins. Sa tête penchée me dérobait son visage. Du bout de son ombrelle, elle donnait de petits coups dans la mousse. Les geais, dans les bois, menaient le plus étonnant vacarme que j’aie jamais entendu, — d’abord parce que ces geais criaient comme des corbeaux, alors que je savais que c’était des geais. Elle n’y prenait pas garde, regardait toujours le sol, absorbée dans sa songerie. Où étais-je moi-même ? Je contemplais ce tableau comme à travers un hublot de soleil.

Au réveil, je me suis senti tout triste. Il y avait je ne sais quoi dans ce rêve, que je suis incapable de démêler. Mais il restera dans ma mémoire, comme un souvenir aigu, émouvant, infiniment plus net qu’une vision réelle, à cause de son isolement dans l’esprit, à cause surtout de son mystère, de ce grain d’anomalie qui imprime en nous d’une manière ineffaçable les visions du songe, comme l’image d’une belle boiteuse.

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28 juillet. — Comme tous les matins, je suis sorti peu après le lever du soleil. À cette heure, les maisons qu’on aperçoit de loin dans la campagne, une face éclairée par la lumière naissante, l’autre face encore fondue dans la grisaille de l’aube, ont l’air de sortir du