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LA MAISON DES BORIES

En ce moment, il était pâle et un sourire cruel tendait sa lèvre inférieure.

— Si vous n’avez jamais vu de phénix, continua-t-il, je vais vous en montrer un spécimen. Laurent, veux-tu aller chercher tes devoirs de la semaine ?

— Mon ami, dit Isabelle, les devoirs de Laurent n’intéressent pas du tout M. Kürstedt et nous ferions beaucoup mieux d’aller nous promener.

— Mais nous irons nous promener ensuite. Je suis certain, moi, que les devoirs de Laurent intéressent beaucoup M. Kürstedt. Tout ce qui concerne les enfants l’intéresse beaucoup, n’est-ce pas, monsieur Kürstedt ? Carl-Stéphane balbutia une réponse inintelligible. Il avait le cœur étreint par l’angoisse qui figeait tout le monde autour de la table et qui avait soudain transformé Isabelle en statue de pierre.

Un frémissement nerveux tiraillait les paupières de Laurent quand il remit les devoirs à son père. Puis il alla s’asseoir à sa place, d’un air de défi. Isabelle le regarda avec force jusqu’à ce qu’il tournât la tête de son côté et dès ce moment leurs regards ne se lâchèrent plus, tissant une corde de résistance invisible.

— Tenez, dit M. Durras en brandissant une copie, voici une dictée triomphale, dix-huit lignes, vingt-deux fautes. « L’alouète (è-t-e) monte en chantan (t-a-n) au-desus (une seule « s » ) des çillon (ç, quel esprit simple ! o-n au singulier, naturellement, puisqu’il s’agit du pluriel) et cœtera, et cœtera… Passons.

« Composition française… ah ! voyons, il paraît que nous sommes bien doué pour la composition française. « Décrivez votre jardin ». Oh ! oh ! écoutez cela (je vous passe l’orthographe, il faudrait s’arrêter à tous les mots) :

« Dans mon jardin, il y a une planche de haricots gris maraîcher que j’ai plantés tout seul, avec les conseils de maman (alors tu ne les as pas plantés tout seul ? )