Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


V


La première personne que Carl-Stéphane rencontra le lendemain matin, ce fut le Corbiau. Il lui baisa la main, par jeu, inclinant sa haute taille dégingandée jusqu’à cette petite main brune, griffée d’égratignures. La petite fille lui jeta un regard surpris, inquiet et presque offensé, mais comme il lui souriait, elle sourit à son tour, remonta l’épaule droite, pencha la joue et demeura ainsi quelques instants, pareille à un ibis noir, — puis, brusquement, secoua la tête et se sauva.

— Bonjour, prince, dit la Zagourette de sa voix la plus mondaine. Avez-vous bien dormi ?

Par la vertu magique du mot « Prince », elle le vit aussitôt vêtu d’argent et de dentelles, au pied d’un escalier de marbre blanc. Elle saisit sa robe courte à deux mains et lui fit une révérence de cour, avec une mine de chat fripon, pour signifier au prince que, malgré son titre et ses dentelles, il ne lui en imposait pas tant que ça.

Carl-Stéphane en riait encore lorsqu’il salua Mme Durras. Comme il lui baisait la main, il sentit peser sur lui un regard sombre et soupçonneux : Laurent se tenait aux côtés de sa mère, raide et silencieux comme un gendarme. Carl-Stéphane sourit légèrement, caressa la tête du petit garçon avec la mine pensive de ceux qui se promènent dans les allées du souvenir, Laurent s’écarta d’un mouvement brusque.