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LA MAISON DES BORIES

Il s’assit sur le canapé et s’amusa du spectacle de Laurent en train d’épousseter les meubles avec l’ardeur et le sérieux qu’il mettait dans tous ses actes. Par l’ouverture de son tablier en toile de Vichy, on voyait son petit costume de moire blanche, et la ceinture de dauphin qui lui moulait la taille.

Ludovic sentit se réveiller une douleur mal éteinte.

— Dis donc, on va t’habiller comme ça tous les jours, sous prétexte qu’il y a un type à la maison ?

— Je ne sais pas, répliqua Laurent, absorbé. Ça m’est égal.

— Moi, je ne t’aime pas comme ça, tu sais ? Tu me fais mal au cœur. T’as l’air d’un petit Gontran de la Fleur des Pois. C’est pas ton genre.

— Tu crois ? demanda Laurent, un instant déconcerté et chagrin.

Mais il reprit vite :

— Maman me trouve bien comme ça. Elle s’y connaît. C’est pas ton affaire.

Ludovic sourcilla :

— Elle t’harnache comme une fille, oui, pour mieux que tu lui ressembles ! T’es sûr que t’es pas une fille, dis donc ? continua-t-il en se moquant.

— Imbécile ! grommela Laurent, vexé.

Ludovic souriait, clignait de l’œil, se dandinait.

— Est-ce que tu connais seulement la différence ?

— Te fais donc pas plus bête que tu n’es, conseilla Laurent d’un air obligeant.

L’autre lui jeta un regard étonné et indécis et se mit à frotter son parquet en silence.

— Comment trouves-tu l’étranger ? demanda Laurent au bout d’un moment. Nous, on le trouve gentil. Mais il parle pas beaucoup.

— Il est gentil, voui, approuva Ludovic en gonflant les narines et souriant de biais. Il va faire la cour à maman.