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LA MAISON DES BORIES

achevé sa Géologie du Massif central. Elle avait pour cela ses raisons, qui ne concernaient pas toutes Amédée, mais à cause de ces raisons même, il lui fallait manœuvrer prudemment. Une femme qui pousse son mari à se rapprocher de la ville où demeure son amant n’était pas tenue à plus de précaution qu’Isabelle, quand elle prononçait devant Amédée le mot « Paris » en songeant que là, elle pourrait faire instruire les enfants sans se séparer d’eux. Et tout en parlant elle le surveillait de tous ses yeux, de toutes ses paupières, de tous ses sourcils, pour poignarder sur ses lèvres le mot « internat » aussitôt qu’il ferait mine de s’y former.

Jusqu’alors, M. Durras n’avait pris aucune décision. Son travail s’acheminait lentement vers son terme. Isabelle patiente couvait des projets, et les enfants qui vivaient dans le présent comme tous les enfants, attendaient Carl-Stéphane Kürstedt avec la plus grande curiosité.

Depuis le matin, toutes affaires cessantes, ils étaient montés dans la resserre du foin au-dessus de l’écurie et surveillaient par la lucarne la route de Chignac. Le « Finlandais » venait du Puy, où il séjournait, et Ludovic était allé l’attendre avec la voiture à l’arrivée du train.

On entendit le roulement de la voiture bien avant de l’apercevoir, car le tournant la dérobait. Enfin elle apparut. Bichette au pas, Ludovic sur le siège, et à côté de la Victoria une grande silhouette dégingandée qui montait la côte à pied, pour ne pas fatiguer le cheval.



Lorsqu’il y avait un invité, les enfants déjeunaient à la table des grandes personnes, pour simplifier le service. Pendant toute la durée du repas, ils se tenaient droits et silencieux, comme à la parade, les yeux bra-