Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VI


Il semblait vraiment qu’un démon malveillant s’attachât aux entreprises de M. Durras, dès qu’il sortait de son domaine scientifique pour passer à l’action.

Au début du printemps, il revint d’un voyage à Marseille avec un air de triomphe et de mystère. Jamais les enfants ne l’avaient trouvé d’aussi bonne humeur. Et sans doute cette euphorie eût-elle duré plus d’un jour si Amédée avait écouté l’instinct de préservation qui lui conseillait de se donner un délai indéterminé avant de révéler à sa femme les raisons qu’il avait d’être content. Mais, vers le soir, il n’y tint plus. Ouvrant devant elle une petite cassette et dépliant avec précaution des papiers de soie, il lui montra les saphirs, les rubis, les émeraudes, les béryls roses, qui brillaient comme des gouttes d’arc-en-ciel sur la blancheur mate du papier.

Tandis qu’Isabelle s’absorbait dans une contemplation attentive, M. Durras lui contait sa rencontre avec un jeune explorateur hollandais aux bonnes manières, qui lui avait cédé ce lot de pierres précieuses trouvées par lui-même aux Indes et qu’il avait fait tailler dans le pays. Contraint de réaliser sur-le-champ pour courir au chevet de sa mère qui se mourait en Hollande, il avait accepté une offre de deux mille francs, alors que ces pierres en valaient le triple, au bas mot : « Oh ! vous faites une affaire, monsieur ! Et pourtant, je ne vous le cache pas, vous me rendez