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LE RAISIN VERT

— Je n’en sais rien, avoua M. Durras. Ce doit être un poème déformé. Vous voyez que ces vers n’ont pas de mètre régulier. Ce ne sont pas des vers, pour mieux dire. Elle a dû assembler des réminiscences.

Lise, sur sa table, sentait venir l’asphyxie. Elle prit une grande respiration, serra les dents, brandit ses deux poings :

— Brutes ! cria-t-elle de toute sa force. Idiots ! Je vous déteste !

Et avant qu’on eût pu la saisir, elle sauta de la table et s’échappa de la salle en trois bonds.

Les bras allongés sur un pupitre, la tête sur ses bras, elle sanglotait furieusement, dans la classe vide. Un monde brisé. Le chaos. Oh ! les tuer, les tuer !

Une main la secoua, et cette odieuse voix de Nina, avec son accent ridicule, éclata à ses oreilles :

— Dis la vérité, ou je te claque, ou je te pince ! Ils ne sont pas de toi, les vers ?

Lise bondit sur ses pieds et rugit en trépignant :

— Ils sont de moi ! de moi ! de moi !

Nina veut la saisir par les cheveux, mais Lise griffe et mord comme un chat, crie et crache de fureur. Et voici qu’une main retient la main de la jeune fille, et le Corbiau déclare posément, de sa voix sans timbre :

— Ils sont d’elle. Et vous, vous êtes méchante et jalouse. Laissez-la.

— Toi ! dit Nina, suffoquée. C’est toi qui… Petit monstre ! Tiens ! Tiens !

Le Corbiau s’abrite, de son bras levé, sans chercher à rendre les coups, pendant que Lise s’accroche à la jupe de Nina en furie. Elle ne lâche prise qu’en voyant arriver Laurent, qui « boule » contre la jeune fille comme un petit taureau et l’accule au mur, tenue par les poignets :