fixé, quatre ou cinq traits décisifs firent naître dans l’ovale vide le mystère du sourire aux yeux baissés.
— Ah ! s’écria Isabelle, c’est étonnant. Là, là, tu viens de réussir quelque chose, mon gros !
— Peuh ! fit Laurent avec une moue.
Il rejeta feuille, crayons et pastels sur le canapé et grogna :
— Alors, tu veux absolument que je me mette en chienlit ?
— Mon Dieu ! dit Isabelle avec malice, si cela te déplaît tant, personne ne t’y oblige.
Laurent se gratta la tête avec embarras.
— Moi je veux, cria Lise, moi, je veux que tu le mettes, ton costume. Tellement que tu seras joli avec ! Écoute, sale individu, dis-moi un peu comment tu trouves mon chignon ? Est-ce qu’il est quelconque ?
Campée devant lui, Vénus minuscule aux bras potelés, elle attendait anxieusement le verdict qui allait tomber de l’œil attentif et du sourcil froncé.
— Pas mal, dit enfin Laurent. Mais le chignon est d’un style et la tunique d’un autre.
— Zut alors… grogna Lise en baissant le nez.
Isabelle frappa joyeusement dans ses mains :
— Il a raison, ce crapaud ! Le chignon est attique et la tunique lacédémonienne. Comment ne m’en suis-je pas aperçue ? Oh ! mais, il a un coup d’œil, celui-là… Viens, viens, ma fille, que je te découse. Nous allons te nouer les cheveux à la Diane de Gabies. Rien ne nous presse. Quelle veine nous avons, mes enfants, non, quelle veine qu’Amédée soit dans le Jura !
Quand Laurent ressortit du cabinet de toilette, ses sœurs se récrièrent de plaisir, tant ce costume de Pierrot convenait à sa bouche sanguine, à son grand front tragique et à ses yeux bruns, doux et violents, naturellement prolongés d’un trait de bistre à l’angle des paupières.