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LE RAISIN VERT

Laurent jeta au Corbiau un coup d’œil pétillant, où revivait leur enfance : « On les a fait marcher, hein, les filles ? »

Cependant, le Corbiau poursuivait le monologue intérieur qui n’avait cessé de l’occuper depuis la dernière réplique d’Amédée :

— C’est tout de même injuste que nous soyons tous tenus de payer pour un empêchement qui était en lui…

— Madame, disait Emmanuelle, votre fils nous fait mourir de rire. Il joue la comédie comme Garrick en personne. Mais croyez-vous que nous n’arrivons pas à lui arracher un mot aimable, même en nous mettant à plat ventre ?

Isabelle se mit à rire à son tour et répondit en jetant à son fils un regard cordial et bourru :

— C’est un porc-épic, mademoiselle. Il décourage les meilleures volontés.

— Oh ! ce n’est pas prouvé, s’écria la voix triomphale. À la Roche-Sabré, j’avais apprivoisé un hérisson. Il me suivait partout comme un chat.

La conversation rebondit sur les bêtes apprivoisées. Isabelle parla du geai qui ne voulait manger que de sa main, lorsqu’elle était petite fille, de la chienne qui prenait le thé avec elle et de Kiki, le chat noir qui lui donnait des baisers sur l’œil et qui aurait certainement appris à tenir des conversations entières, tant son langage était varié, s’il n’était mort de chagrin d’une séparation. Lise et Laurent parlèrent de Chientou et du lapin qui buvait de la bière et faisait la course en ligne. Mais Emmanuelle les surpassa tous en déposant à l’improviste Nabuchodonosor sur la nappe. On se récria d’horreur et d’admiration, ce fut un goûter merveilleusement gai.

Jacques Henry paraissait enchanté. Mais, de temps