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LE RAISIN VERT

— De la faim, oui, mademoiselle, répondit-il gravement.

— Ah ! s’écria-t-elle, comme je vous comprends ! Les versions latines, moi, ça me donne le creux.

Le Corbiau détailla en souriant d’orgueil les particularités de son amie :

— Emmanuelle n’aime ni le latin, ni l’algèbre, ni la physique, ni la chimie, ni la géographie, ni l’histoire…

— Qu’est-ce que vous aimez donc, mademoiselle ? demanda Jacques Henry.

— Mais… tout, dit Emmanuelle, rejetant la tête en arrière, avec un regard surpris.

Laurent eut un sourire d’indulgence séculaire :

— Comme vous êtes jeune !

Cette phrase, le ton de sa voix, son regard, son sourire, ramenèrent brusquement le Corbiau à cinq ans en arrière, et la mémoire des sensitifs lui représenta tous les épisodes du bal costumé, depuis ce moment où Laurent, drapé dans un peignoir de bain, disait à sa mère en souriant :

— Comme tu es jeune !

Autour d’elle, les jeunes gens se divisaient en deux camps. On allait jouer des charades et des scènes improvisées. Emmanuelle, qui n’aimait pas regarder, voulait jouer dans les deux camps. On finit par le lui accorder, et elle s’éclipsa avec Lise, Marcelle Bopp et Jacques Henry, laissant au salon Cassandre, Laurent et le Corbiau.

…M. Jasmyn frappait dans ses mains, foulant le parquet en mesure pour entraîner les danseurs, et son sourire était encore un peu crispé, parce qu’il pensait à sa chute.

Mais Nina n’y pensait plus depuis longtemps. Elle caquetait avec M. Durras, tandis que Lise trépignait sur la table, la voix ivre et l’œil ébloui. Amédée re-