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LE RAISIN VERT

paraître et, fidèle à sa ligne de conduite, s’interdisait de contrarier, par une intervention personnelle inopportune, l’expérience fondamentale que les enfants étaient en train d’accomplir.

Cependant, elle n’avait pu se tenir de leur verser quelques antidotes avant de les laisser aborder une religion dont la doctrine l’avait imprégnée plus profondément qu’elle ne s’en rendait compte et continuait à inspirer sa conduite, mais dont elle détestait l’ambiance.

« Mes enfants, avait-elle déclaré aux petites filles en les envoyant au catéchisme, priez Dieu tant que vous voudrez, mais prenez bien garde à ne pas devenir dévotes. Toutes les dévotes ont des pieds d’homme et un gros nez luisant. »

Et à Laurent, elle avait déclaré : « Mon garçon, si je te vois jamais tendre la joue gauche après avoir reçu un soufflet sur la joue droite, je te renie. »

À quoi Laurent avait répliqué impétueusement : « Ne crains rien. Moi, d’abord, je ne sens que les coups que je ne peux pas rendre. »

Elle les regardait donc tous les trois s’acheminer vers une première communion qui serait pour Lise allègre et mondaine : « Toi, disait Isabelle à sa fille avec un soupçon de dédain, tu es une petite nature… » pour Laurent, douloureuse et passionnée et pour le Corbiau, semblait-il, un devoir de politesse scrupuleusement accompli.

Au premier matin de la retraite de trois jours qui précédait la communion, l’abbé Patrick monta en chaire après l’Évangile et un mouvement de plaisir se propagea parmi l’auditoire, car cet Irlandais au visage fin et doux avait la faveur des néophytes et particulièrement des petites filles.

Il accueillit d’un sourire ce mouvement auquel