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leur zèle à cet égard nous donnera la mesure de leur patriotisme.

Parmi les formes variées des ouvrages que nous proposons, celle du dialogue peut être avantageusement employée. On sait combien elle a contribué au succès des magasins des enfans, des adolescens, &c.

Sur-tout qu’on n’oublie pas d’y mêler de l’historique. Les anecdotes sont le véhicule du principe, & sans cela il échappera. L’importance de cette observation sera sentie par tous ceux qui connoissent le régime des campagnes. Outre l’avantage de fixer les idées dans l’esprit d’un homme peu cultivé, par-là, vous mettez en jeu son amour-propre, en lui donnant un moyen d’alimenter la conversation ; sinon quelque plat orateur s’en empare, pour répéter tous les contes puérils de la bibliothèque bleue, des commères & du sabat, & l’on ose d’autant moins le contredire, que c’est presque toujours un vieillard qui assure avoir ouï, vu & touché.

Le fruit des lectures utiles en donnera le goût ; & bientôt seront vouées au mépris ces brochures souillées de lubricité ou d’imprécations convulsives qui exaltent les passions, au lieu d’éclairer la raison ; & même ces ouvrages prétendus moraux dont actuellement on nous inonde, qui sont inspirés par l’amour du bien, mais à la rédaction desquels n’ont présidé ni le goût ni la philosophie.

Au risque d’essuyer des sarcasmes, dont il vaut mieux être l’objet que l’auteur, ne craignons pas de dire que les chansons, les poésies lyriques importent également à la propagation de la langue & du patriotisme : ce moyen est d’autant plus efficace, que la construction symétrique des vers favorise la mémoire ; elle y place le mot & la chose.

Il étoit bien pénétré de cette vérité, ce peuple harmonieux, pour ainsi dire, chez qui la musique étoit un ressort entre les mains de la politique. Chrysippe ne crut pas se ravaler en faisant des chansons pour les nourrices. Platon leur ordonne d’en enseigner aux enfants. La Grèce en avoit pour toutes les grandes époques de la vie & des saisons, pour la naissance, les noces, les funérailles, la moisson, les vendanges ; sur-tout elle en avoit pour célébrer la liberté. La chanson d’Harmodius & d’Aristogiton qu’Athénée nous a conservée, étoit chez eux ce qu’est parmi nous l’air des Marseillois : & pourquoi le comité d’instruction publique ne feroit-il pas, dans ce genre, un triage avoué par le goût & le patriotisme ?

Des chansons historiques & descriptives, qui ont la marche sentimentale de la romance, ont pour les citoyens des campagnes un