Page:Rapport final sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, présenté par le Rapporteur spécial, M. Leandro Despouy.djvu/7

Cette page n’a pas encore été corrigée

C. Evolution récente de la perception du phénomène de l'extrême pauvreté au sein du système des Nations Unies

17. Pendant longtemps, l'extrême pauvreté a été perçue comme un phénomène essentiellement économique, ce qui explique que, dans l'enceinte des Nations Unies, elle ait été étudiée surtout dans le contexte de la problématique économique et sociale. C'est ainsi que la Commission des droits de l'homme a évoqué ce thème en premier lieu sous le point de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. En ce sens, l'étude de M. Asbjørn Eide sur le droit à une alimentation suffisante en tant que droit de l'homme (Nations Unies, Droits de l'homme - Série d'études, No 1. et celle de M. Danilo Türk sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels E/CN.4/Sub.2/1992/16 (rapport final de l'étude).) ont signifié un énorme progrès dans l'explicitation des liens de ces derniers avec les droits civils et politiques, montrant ainsi le caractère indivisible et interdépendant des droits de l'homme. On se rappellera aussi qu'en 1987, le père Joseph Wresinski (Le père Joseph Wresinski est le fondateur du Mouvement international ATD quart monde. Né lui-même dans une famille pauvre, il a fondé le Mouvement dans les années 50, avec les familles qui vivaient dans un camp de sans-logis près de Paris.) avait, dans son intervention devant la Commission des droits de l'homme, demandé que la question de l'extrême pauvreté soit examinée comme une atteinte à l'ensemble des droits de l'homme. Ce n'est pourtant qu'au début de cette décennie que l'examen de la question de la pauvreté et de l'extrême pauvreté a acquis une véritable dynamique dans l'ensemble du système des Nations Unies, en particulier dans les organes chargés de la protection des droits de l'homme.

18. Pour sa part, l'Assemblée générale a adopté une série de résolutions concernant les droits de l'homme et l'extrême pauvreté dans lesquelles elle s'est félicitée de la décision de faire une étude spécifique et a déclaré en attendre les résultats. En 1992, dans sa résolution 47/196, elle a proclamé le 17 octobre Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. Moins de six mois plus tard, à la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, tenue à Vienne en 1993 Voir A/CONF.157/23., un consensus universel s'est dégagé pour considérer l'extrême pauvreté et l'exclusion sociale comme des atteintes à la dignité humaine, s'opposant à la jouissance pleine et effective des droits de l'homme, et pour préconiser l'adoption de mesures urgentes pour les éliminer. Lors du Sommet mondial pour le développement social, tenu à Copenhague en 1995 (Voir document A/CONF.166/9.), les Etats ont franchi un nouveau pas en s'engageant à mettre en place des politiques et des stratégies afin de réduire considérablement toutes les formes de pauvreté, d'atténuer les inégalités et d'éradiquer la pauvreté absolue. Finalement, dans sa résolution 48/183, l'Assemblée générale a proclamé l'année 1996 Année internationale pour l'élimination de la pauvreté, et, dans sa résolution 50/107, elle a proclamé la première Décennie des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté (1997-2006).

D. Objectif et mandat du Rapporteur spécial

19. La présente étude, dont l'achèvement coïncide avec l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté, est l'aboutissement de réflexions préliminaires exposées dans les deux rapports intérimaires (E/CN.4/Sub.2/1994/19 et E/CN.4/Sub.2/1995/15.). Elle a pour finalité d'apporter une vision complète de l'extrême pauvreté sous l'angle des droits de l'homme, de favoriser une véritable prise de conscience de la gravité de ce phénomène, de contribuer à en donner une meilleure connaissance et ainsi à mener des actions plus appropriées pour l'éradiquer.