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insignifiants, ces multiples batailles qui se perdent quotidiennement, expriment à leur manière (dans le langage sans paroles de ceux qui, dans la majorité des cas, n'ont pas appris à se servir de mots) la réalité d'un combat, d'un refus, d'un effort, d'une lutte silencieuse et imperceptible, dont l'intensité et l'opiniâtreté permettent néanmoins à des millions de personnes d'affronter jour après jour, à chaque instant de leur vie, l'engrenage infernal de la misère.

194. L'UNICEF, une des organisations qui déploient dans ce domaine une intense activité, le confirme : "Ceux qui sont en première ligne dans la lutte contre la pauvreté absolue - le quart le plus pauvre de l'humanité - se battent presque 24 heures par jour pour subvenir aux besoins les plus élémentaires de leur famille". Il est indispensable d'"épauler les efforts des plus pauvres qui continueront à se battre, comme ils l'ont toujours fait, pour subvenir à la plupart de leurs besoins, en ne comptant que sur leurs propres efforts" (UNICEF, La situation des enfants dans le monde, 1993.).

195. Si l'on ne comprend pas cette lutte, ce refus constant de la misère, il sera impossible de briser l'image fataliste qu'elle projette. En outre, sans une valorisation de ces efforts, et surtout sans s'appuyer sur ceux-ci, il risque d'être difficile de contribuer à libérer ceux qui vivent dans la misère.

3. Comment atteindre les plus pauvres ?

196. Comme on l'a vu, les personnes les plus pauvres constituent la couche de la population qui est la moins prise en compte par les statistiques. Il en va de même pour les politiques sociales et l'accès aux services de base (santé, éducation, planification de la famille, etc.) : les indigents en sont généralement privés, ces services n'étant pas axés sur eux, ou se révélant inadaptés ou inaccessibles. Cependant, l'on commence désormais à privilégier d'autres façons d'aborder le problème, du fait de l'aggravation du phénomène de l'extrême pauvreté et de l'exclusion sociale, qui s'ajoute à la faillite chronique des politiques sociales traditionnelles : celles-ci fournissent généralement une assistance éphémère et atteignent rarement les groupes les plus pauvres, ne leur offrant aucune réponse durable qui leur permette d'échapper à la misère.

197. Dans une publication récente intitulée "Atteindre les plus pauvres", l'UNICEF a procédé à une intéressante évaluation des activités réalisées par de petites organisations non gouvernementales locales et par ATD-Quart monde dans des poches de pauvreté situées sur différents continents. Mis à part l'examen de sept expériences concrètes, cette étude met en évidence - et c'est en cela qu'elle revêt de l'importance - les mesures à prendre et la dynamique à créer à l'égard de cette population pour pouvoir mieux la connaître et nouer des liens de confiance réciproques qui permettent aux personnes intéressées de participer à tel ou tel projet communautaire ou de s'intégrer dans une autre activité en vue d'échapper d'une façon ou d'une autre à la misère.

198. La consigne essentielle d'une telle approche méthodologique visant à atteindre les plus pauvres est qu'on ne peut rien faire "pour" eux si ce n'est "avec" eux. Autrement dit, les pauvres doivent être associés tant à l'élaboration qu'à l'exécution et à l'évaluation des programmes. Avant même