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sur plusieurs générations auxquelles a eu accès le Rapporteur spécial. Il est surprenant de constater comment la misère se perpétue et combien il est chaque jour plus difficile d'en sortir. Il se crée ainsi un véritable "cercle vicieux vertical" de la misère (Compte tenu de l'existence d'un cercle vicieux horizontal déjà mentionné, c'est à juste titre que le Sommet de Copenhague a préféré parler de "cercle infernal" de la pauvreté (Programme d'action, par. 39 f)).).

180. Enfin, la plus importante retombée sociale de la misère est l'exclusion et, fréquemment, la stigmatisation de ceux qui en sont victimes. En effet, si l'exclusion peut parfois entraîner la misère, la seconde va toujours de pair avec la première.

181. Compte tenu de ces particularités, les critères traditionnels d'appréciation de la pauvreté, de l'extrême pauvreté et leurs définitions, sont manifestement insuffisants pour en avoir une approche plus globale et plus complète, conforme au mandat du Rapporteur spécial. Aussi, l'approche qui est proposée dans le présent rapport offre au moins trois particularités, à savoir :

i) D'examiner les différents environnements dans lesquels survient la pauvreté (économique, sociale, politique, civile, culturel, etc.);

ii) D'obtenir les informations auprès des intéressés eux-mêmes qui ne sont généralement pas consultés, pas même lorsqu'il s'agit d'études ou de programmes les concernant. Or, c'est indispensable non seulement parce que cela fait partie de toute approche des droits de l'homme, mais aussi, parce que, dans le cas contraire, il est impossible de connaître la dynamique intérieure de la pauvreté;

iii) De montrer concrètement comment chaque forme de précarité aggrave l'autre et ainsi de suite jusqu'à l'extrême pauvreté.

182. En d'autres termes, on cherche par cette méthode non pas à savoir ce que gagnent les gens, mais à comprendre ce qui leur arrive réellement. On ne saurait donc les exclure : sans eux, on ne pourrait jamais savoir ni combien ni de quoi ils souffrent, à supposer, bien sûr, que ce soient réellement eux qui nous intéressent.

183. Passant aux critères d'une définition, il faut tenir compte qu'en plus de l'effet négatif que les diverses formes de précarité exercent les unes sur les autres (enchaînement des précarités) à mesure qu'elles s'accentuent et s'intensifient, l'exclusion s'aggrave tout comme l'insécurité, les possibilités de jouir réellement des droits de l'homme s'amenuisent et les difficultés d'assumer les responsabilités s'accroissent. Or, lorsque les diverses formes d'insécurité s'exacerbent et perdurent au point que l'existence tout entière de la personne est dominée par ces innombrables, carences et précarités, c'est la misère dans ce qu'elle a d'implacable.

184. En définitive, ce cumul de précarités ou de carences en matière de santé, d'éducation, d'habitat, de participation, etc., dont la persistance tourmente la vie de ceux que frappe la misère correspond, dans le langage juridique courant, à une expression précise et bien définie : la négation absolue des droits les plus élémentaires de l'homme.