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149. En contraste, l'aide apportée par les services sociaux officiels est parfois perçue comme une entrave à l'exercice des responsabilités familiales. Une femme d'Amérique du Nord a ainsi déclaré : "J'étais dans un centre d'hébergement avec mes enfants. Là, le service social me surveillait de si près que je n'osais plus rien faire. Je n'osais pas corriger mes enfants quand ils avaient fait une bêtise. Si on nous entendait crier, immédiatement quelqu'un du Bureau du bien-être de l'enfant venait voir ce qui se passait. J'avais tellement peur qu'on me retire mes enfants que je n'osais rien faire. Mes responsabilités de mère, je ne les ai exercées vraiment que lorsque j'ai pu sortir de ce lieu et avoir un appartement. Mon fils avait alors huit ans."

150. Les atteintes à la vie familiale sont d'autant plus graves qu'il ressort des témoignages que la famille constitue souvent le dernier rempart contre la misère et l'exclusion ainsi que le premier lieu de résistance à celles-ci. "Une personne peut se trouver totalement coupée de sa famille et de son milieu social. Cet isolement est très pénible car la famille est souvent la dernière protection contre la misère absolue", comme le rappelle un témoignage d'Europe orientale.

7. Le droit au respect de la vie privée

151. Ce droit est consacré par l'article 12 de la Déclaration universelle ainsi que par l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

152. Les témoignages montrent pourtant, s'il en était besoin, jusqu'à quel point il est illusoire de parler de ce droit pour des gens qui vivent sur les trottoirs d'une grande ville, dans l'errance ou entassés dans des bidonvilles ou une seule pièce d'un modeste appartement.

153. L'intervention des services sociaux peut être vécue comme une immixtion arbitraire dans la vie privée. "Quand on vit dans la misère, on nous dit parfois : 'Si vous restez avec votre mari - ou avec votre femme - on vous place vos enfants.' On n'a pas le droit de nous dire ça. On a tout fait ma femme et moi, on s'est même séparés pour qu'ils ne touchent pas aux enfants. On a même fait une déclaration à la police pour le prouver, alors qu'on n'est pas mariés ! De quel droit ils se permettent ça !"

154. Cette intrusion dans la vie privée des familles très pauvres est sans limites. Ainsi, il n'est pas rare que des jeunes femmes subissent des pressions pour limiter leurs naissances ou abandonner leur enfant; il arrive même qu'elles soient stérilisées d'office ou contraintes à l'avortement. "J'étais dans un foyer quand je me suis retrouvée enceinte. Je suis allée chez le médecin et j'ai apporté un certificat médical. Au foyer, ils ont dit qu'ils allaient se réunir pour décider si je devais avorter ou garder l'enfant."

8. Le droit à la personnalité juridique et à l'inscription sur les registres d'état civil

155. Ces droits sont reconnus dans l'article 6 de la Déclaration universelle et dans les articles 16 et 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et leur jouissance est une précondition à la réalisation de nombreux autres droits.