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116. Décrivant les conditions de vie quotidienne lors du séminaire d'octobre 1994 (voir par. 99), un participant d'Amérique latine a ainsi témoigné : "Sans logement, sans eau potable, sans électricité, sans une nourriture suffisante, sans travail, sans revenu minimum ou d'autres ressources, il n'est tout simplement pas possible d'être en bonne santé, de veiller à ce que les enfants aillent à l'école, de participer aux activités locales (y compris aux festivités, voire à des anniversaires), de participer au processus politique en tant que citoyen, ou même de voir sa vie de famille respectée."

117. Plusieurs participants ont qualifié cette situation de "cercle vicieux de la misère". Un participant européen a illustré cela en ces termes : "Quand on vit dans l'extrême pauvreté, sans instruction, on a du mal à trouver du travail. Sans ressources, on est dans l'impossibilité d'avoir un logement décent ou de régler ses factures. Notre famille s'est retrouvée sans électricité, même sans eau. Nous avons du mal à nous nourrir convenablement. Dans ces conditions, mes enfants ont des difficultés à apprendre."

118. De son côté, un participant africain a déclaré : "Continuellement nous devons nous préoccuper de notre logement, de la nourriture que nous devons trouver pour nos enfants et pour nous-mêmes. Sans cesse nous nous demandons ce que nous allons faire pour que nos enfants puissent grandir bien. Tout cela forme un manteau de soucis qui nous recouvre et cela nous empêche d'exercer des responsabilités."

119. Un autre Africain a renchéri : "Comment peut-on parler de 'démocratie' et de 'droits de l'homme' lorsque la satisfaction des besoins essentiels de l'être humain demeure un rêve." Et une personne d'Europe occidentale a complété ce tableau de la situation en déclarant : "Tout cela a aussi des répercussions sur la vie sociale : on perd sa liberté de mouvement; on est parfois obligé de vivre caché avec sa famille; on n'ose plus assister à des fêtes locales ni même exercer nos droits de citoyens."

120. Ces faits permettent d'affirmer qu'un homme dans la misère n'est pas un homme libre : il n'est pas en mesure d'exercer ses libertés publiques et individuelles. Les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme reconnaissent d'ailleurs que "l'idéal de l'être humain libre, ... libéré ... de la misère ne peut être réalisé que si les conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées".

121. Ignorer ces principes fondamentaux des droits de l'homme que sont la dignité humaine, l'égalité, et l'indivisibilité des droits, dont l'expérience des populations très pauvres nous rappelle l'importance, compromettrait définitivement le rendez-vous entre les très pauvres et les droits de l'homme auquel la Commission a voulu, par ses résolutions successives et par cette étude, convier l'ensemble des défenseurs des droits de l'homme.