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de Sophocle et se rappeler qu'une des premières aspirations, un des premiers gestes de civilisation de l'homme a été de pouvoir enterrer ses morts dans la dignité.

b) Le principe d'égalité et de non-discrimination

111. L'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits." Le droit international des droits de l'homme établit donc un lien intrinsèque entre dignité et égalité et ces deux notions sont, conjointement, les fondements du principe de non-discrimination. Celui-ci est un principe général unanimement établi dans la Déclaration universelle et dans tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Comme cela apparaît tout au long de ce chapitre, les personnes qui vivent dans l'extrême pauvreté sont pourtant fréquemment les victimes d'une discrimination, de fait ou de droit, qui porte atteinte au principe d'égalité. Ainsi le principe de libre circulation des personnes à l'intérieur de l'Union européenne exclut explicitement celles qui ne peuvent apporter la preuve qu'elles "disposent des ressources suffisantes pour ne pas tomber à charge de l'assistance du pays d'accueil" (Voir à ce sujet la pétition 240/1991 présentée au Parlement européen, par Mme C. Lepied.).

112. "La pauvreté ... [entraîne] très souvent l'isolement, la marginalisation et la violence" est-il affirmé dans la Déclaration de Copenhague au paragraphe 16, et le paragraphe 19 du Programme d'action souligne que parmi les différentes formes sous lesquelles se manifeste la pauvreté, se trouvent la discrimination sociale et l'exclusion. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a établi que la non-discrimination dans l'accès aux droits est un principe directement applicable quel que soit le niveau de ressources de l'Etat partie (Lors de l'examen des rapports des Etats parties, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels reconnaît que des facteurs en rapport avec l'économie desdits Etats, notamment l'insuffisance des ressources, peuvent entraver la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Toutefois, dans son Observation générale 3 sur la nature des obligations des Etats parties découlant du Pacte, il relève que le Pacte impose diverses obligations ayant un effet immédiat et qui sont indépendantes des contraintes découlant du caractère limité des ressources dont disposent les Etats parties, entre autres ils "s'engagent à garantir" que les droits considérés "seront exercés sans discrimination" et à "agir" en vue d'assurer progressivement le plein exercice desdits droits.). De son côté le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a fait remarquer que la pauvreté peut être un élément d'aggravation de la discrimination raciale (Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale estime, dans ses conclusions sur l'examen des rapports présentés par les Etats parties, que la pauvreté est un principal sujet de préoccupation et un facteur qui entrave l'application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il souligne également que l'appauvrissement général d'un pays ainsi que le dysfonctionnement de ses services sociaux et de la sécurité sociale entraînent des phénomènes de discrimination raciale ou ethnique et, à ce titre, sont un sujet de préoccupation pour lui. Il recommande aux Etats parties de faire rapport sur ces questions et d'autres touchant à la réduction de la pauvreté, notamment les lois et mesures relatives à la pauvreté, aux services sociaux et de santé et à l'impact social des programmes d'ajustement structurel sous les auspices du FMI (voir CERD/C/304/Add.6, conclusions sur Madagascar).).

2. L'enchaînement de précarités met en évidence l'indivisibilité et l'interdépendance des droits de l'homme

113. Les principes d'indivisibilité et d'interdépendance étaient au coeur de la pensée des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ils ont été régulièrement réaffirmés depuis par l'Assemblée générale, la Commission des droits de l'homme et la Sous-Commission ainsi que par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme en 1993 (Déclaration et Programme d'Action de Vienne, par. I, 5) et le Sommet mondial de Copenhague (Programme d'action, par. 15 b)).

114. La Convention relative aux droits de l'enfant a reconnu de manière explicite cette indivisibilité, en traitant conjointement l'ensemble des droits de l'homme dans un même texte. Sans doute n'est-il pas dû au hasard que cette synthèse se soit faite autour des enfants, qui, plus que d'autres, ont besoin d'une protection particulière.

115. Lorsque les personnes extrêmement pauvres évoquent leur situation, le message qui ressort le plus couramment de leurs descriptions est qu'elles sont soumises à un enchaînement de précarités qui se renforcent mutuellement et que la persistance rend de plus en plus difficilement surmontables.