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particulièrement vrai lorsque les revenus sont précaires et varient d'un jour à l'autre (Un effort particulier de perfectionnement des indicateurs est proposé par Mme Katherine Duffy dans le rapport d'orientation pour les projets du Conseil de l'Europe, "Dignité humaine et exclusion sociale".).

c) Le manque d'intérêt et de considération à l'égard de la population la plus pauvre

68. Le fait que les personnes vivant dans l'extrême pauvreté n'apparaissent pas dans les statistiques ne résulte pas seulement de difficultés techniques. C'est aussi le reflet du manque d'intérêt et de la déconsidération dont elles sont victimes. De ce fait, elles sont exclues du droit élémentaire d'être correctement recensées.

69. Les plus pauvres sont conscients de cette déconsidération, ce qui peut avoir des conséquences directes sur le résultat d'enquêtes mesurant la pauvreté. Ainsi, et toujours dans le même rapport de la CCE, il est constaté que la dévalorisation qui s'attache à la pauvreté conduit des personnes en grande difficulté à ne pas se déclarer pauvres dans les enquêtes qui leur demandent de se situer sur une échelle allant de la richesse à la pauvreté. Une étude de l'Institut international d'études sociales (IIES) ("Asuntos de creciente importancia en las investigaciones sobre la pobreza: cuestiones laborales". Documento de debate, por Michael Lipton (DP/66/1994) IIES, Ginebra, 1994.) signale avec ironie : "Etre reconnu (et se reconnaître) comme pauvre fait partie du malheur d'être pauvre".

d) Manipulation des données

70. Le Département du développement économique et social (Le chapitre VII du Rapport sur la situation sociale dans le monde, 1993 est consacré à l'étude des liens entre la répartition du revenu et la pauvreté.) avertit qu'il ne faut cependant pas perdre de vue que les statistiques disponibles sont insuffisantes et, même lorsqu'il existe des statistiques officielles concernant la répartition du revenu, des activités illégales ou parallèles peuvent beaucoup modifier la situation. Il nous met en garde sur le fait que "les seuils de pauvreté sont inévitablement quelque peu arbitraires, et de modestes changements peuvent beaucoup accroître ou réduire les estimations du nombre de ceux qui vivent dans la misère". Ceci rend possible la manipulation des données statistiques soit en augmentant ou, plus fréquemment, en diminuant le nombre de pauvres, et cela pour des raisons politiques, économiques et autres, qui n'ont que peu à voir avec la lutte contre la pauvreté.

4. Nécessité d'une meilleure connaissance quantitative et qualitative de l'extrême pauvreté

71. Comme on le constate, les sociétés se sont longtemps accommodées de l'absence de connaissances précises sur la partie la plus pauvre de la population et continueraient de l'oublier si son accroissement ne venait maintenant troubler leur fonctionnement.

72. Conscient des conséquences néfastes de l'insuffisance des statistiques sur la mise en oeuvre et sur l'efficacité des mesures de lutte contre la pauvreté, le Sommet mondial pour le développement social, dans son Programme d'action demande aux Etats "d'améliorer la fiabilité, la validité, l'utilité et la diffusion des statistiques et autres données sur le développement social" (par. 16 e)). Plus précisément, il leur demande d'"élaborer des méthodes permettant de mesurer toutes les formes de pauvreté, en particulier la pauvreté absolue" (par. 25).