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écologiquement viable ou la démocratie en politique - n'obtiendra le succès que si les besoins les plus fondamentaux du quart oublié de la population mondiale restent insatisfaits."

B. Statistiques et méthodes permettant de mesurer la pauvreté

48. L'étendue de la pauvreté et l'accélération du phénomène, surtout à partir des années 80, sur lesquelles s'accordent les principaux organismes internationaux, constituent une évidence qui suscite bien des inquiétudes. Ces organismes, toutefois, n'utilisent pas tous les mêmes méthodes d'évaluation et n'aboutissent pas aux mêmes conclusions quant à l'ampleur du phénomène. Les chiffres, en effet, peuvent varier selon la méthode utilisée (indicateurs), les efforts déployés pour arriver jusqu'à la population étudiée, les moyens techniques mis en oeuvre et, bien évidemment, l'intention dans laquelle les données sont compilées.

1. Méthodes de mesure de la pauvreté

49. Certaines méthodes, extrêmement réductrices, prennent le montant des revenus comme unique paramètre pour mesurer la pauvreté et l'extrême pauvreté tandis que d'autres, beaucoup plus sophistiquées, font appel à une multitude d'indicateurs. Comme on peut le supposer, les chiffres ainsi obtenus à l'aide de formules aussi variées ne peuvent que différer. Ainsi, si l'on exclut des statistiques sur la pauvreté, les personnes qui gagnent plus d'un dollar par jour mais sont sans abri et non scolarisées, le nombre de pauvres recensés sera bien moins élevé que si l'on inclut également celles qui sont sans abri et ne sont pas scolarisées. Il est incontestable que, dans ce domaine, même aujourd'hui, on ne peut compter sur des statistiques précises et moins encore fiables car, comme le reconnaissent la plupart des organismes et des instituts qui s'occupent de cette question à l'échelle internationale, les instruments quantitatifs les plus usuels tendent à sous-estimer l'ampleur des phénomènes qu'ils prétendent mesurer (Ezcurra, Ana Maria. La Banque mondiale. "Políticas para el problema de la probreza en el Sur" (à paraître prochainement).).

50. En 1985, la Banque mondiale a fixé la "ligne de pauvreté" à 370 dollars par an et par habitant et la "ligne de pauvreté extrême" à 275 dollars par an. A partir de ces chiffres, elle a calculé qu'il y avait, cette année-là, dans le "monde en développement", 1 milliard 115 millions environ de pauvres dont 630 millions d'indigents. Cette estimation présente la particularité d'avoir été prise comme référence par divers organes et organismes des Nations Unies, parfois de façon confuse, sans préciser laquelle de ces deux catégories de pauvres était considérée, parfois encore de manière critique, la ligne d'indigence étant assimilée à la ligne de pauvreté, partant du principe qu'un dollar par jour constituait un seuil extraordinairement bas pour mesurer l'indigence. Peu après, la banque elle-même a modifié ces chiffres (Selon les statistiques de la Banque mondiale, en 1985, la pauvreté touchait 19 % de la population en Amérique latine et dans les Caraïbes. Dans un document ultérieur, la Banque a modifié ce chiffre, estimant que pour l'Amérique latine, il était de 22,4 % en 1985 et de 25,2 % en 1993.) et, en 1993, a fixé pour l'Amérique latine à 2 dollars par jour la "ligne de pauvreté" et à un dollar celle de la pauvreté extrême (Julio Boltviink, ancien directeur du Programme régional du PNUD pour l'élimination de la pauvreté, a, en 1994, appliqué cette "ligne de pauvreté" de deux dollars au Mexique. Sur la base de cette donnée empirique, sa conclusion a été que cette ligne ne pouvait s'interpréter que comme une ligne de dénutrition au-dessous de laquelle il y aurait dénutrition calorique (aucun des autres besoins n'étant satisfait). En d'autres termes, cette ligne permettrait, non pas de circonscrire l'univers de la pauvreté, comme on le prétend, mais d'identifier la population dont la survie physique est menacée. C'est pourquoi, de l'avis de l'auteur, un chiffre inférieur (à un dollar) n'a aucune signification car les personnes qui se trouveraient à ce niveau de revenu, seraient techniquement mortes.).

51. Dans ses précédents rapports intérimaires, le Rapporteur spécial a eu l'occasion d'examiner en détail les méthodes les plus couramment utilisées dans les différentes régions géographiques (Voir E/CN.4/Sub.2/1994/19.). Ce qui est nouveau à présent, c'est une certaine tendance à utiliser simultanément plusieurs indicateurs classiques pour obtenir une plus grande fiabilité dans les statistiques. Par exemple, en Amérique latine et dans les Caraïbes, où l'on emploie