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1996.).

43. Le Rapport sur la situation sociale dans le monde - 1993 indique qu'en Amérique latine, la pauvreté s'est aggravée surtout dans les régions urbaines. En 1986, il y avait plus de pauvres en milieu urbain (94 millions) qu'en milieu rural (76 millions). A de rares exceptions près, la population des ménages pauvres en milieu rural est restée stable ou a diminué, en dépit de la morosité de l'activité économique. Néanmoins, c'est dans les campagnes que continuaient de vivre la grande majorité des ménages extrêmement misérables, dont les revenus étaient insuffisants pour se procurer ne serait-ce que le panier alimentaire minimum.

44. La pauvreté qui, toujours selon le même rapport, avait été virtuellement éliminée dans les pays à économie planifiée pendant la période d'industrialisation rapide de l'après-guerre, y est réapparue à la fin des années 90. L'on estime qu'environ la moitié des pauvres des pays développés vivent en Europe orientale et dans l'ancienne Union soviétique. Même s'il est difficile de définir les seuils de pauvreté sans ambiguïté, chacun s'accorde à reconnaître que le nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté a augmenté dans tous les pays de cette région au cours des 20 dernières années. Les études de la Banque mondiale, de l'Office des statistiques de l'Union européenne et quelques autres convergent dans leurs conclusions sur cette question. Cependant, "le risque de tomber dans la misère était plus élevé, dans l'ancienne Union soviétique, pour les familles nombreuses, et par conséquent pour les enfants, pour les ménages dirigés par des femmes et pour les familles n'ayant qu'un seul gagne-pain".

45. Pendant les années 80, la composition sociale des groupes vivant dans la misère dans cette région s'est beaucoup modifiée. Ce sont les travailleurs qui se sont le plus appauvris. Le niveau de vie des citadins, par ailleurs, s'est dégradé plus que celui des agriculteurs. Vers la fin des années 80, les sans-abri et les mendiants - groupes sociaux qui avaient disparu sous le socialisme - ont peu à peu refait leur apparition dans le paysage urbain de nombre de pays de l'Est et de l'ancienne Union soviétique.

46. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l'expansion du phénomène dans les pays industrialisés. La prise de conscience de l'aggravation du phénomène a été exprimée récemment, en 1995, par le Conseil de l'Europe, qui parle d'un "problème dont l'importance s'accroît rapidement"; le Conseil signale qu'il "ne manque pas aujourd'hui de signes qui montrent que la pauvreté et l'exclusion sociale posent de plus en plus de problèmes à tous les pays d'Europe" (Conseil de l'Europe, Programme intergouvernemental d'activités pour 1995, Activité II.1b, Dignité humaine et exclusion sociale, p. 77.). Un rapport récent de la Commission des affaires sociales et de l'emploi du Parlement européen nous rappelle que "l'Europe de 1995 ne sait plus où cacher ses pauvres. Ce phénomène paradoxal dans une des régions les plus prospères de notre planète affecte plus de 52 millions de personnes. Une personne sur sept pratiquement est menacée par la pauvreté et par l'exclusion sociale dans l'ensemble de l'Europe". Le rapport souligne qu'il s'agit de chiffres certainement sous-estimés.

47. Face à l'ampleur d'un fléau qui atteint aussi gravement des millions de personnes dans toutes les régions du monde, le Rapporteur spécial fait sien le point de vue de l'UNICEF qui, dans son remarquable Rapport sur la situation des enfants dans le monde - 1993, estime qu'"aucune des grandes causes jugées prioritaires aujourd'hui - telles que le ralentissement de la croissance démographique, l'égalité des femmes et des hommes, un développement