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dant un demi-siècle. Je renonce également à faire l’historique des idées de ce penseur d’une érudition extraordinaire, de le suivre à travers les différentes phases de son évolution scientifique. Je me bornerai donc aux idées de Lavroff, formulées dans ses derniers ouvrages, et que l’on a tout lieu de croire définitives. Ces idées d’ailleurs sont celles qu’il développa avec une obstination admirable pendant presque toute sa carrière scientifique.


I


Pierre Lavroff peut être considéré comme le premier représentant de la philosophie scientifique en Russie. On peut dire d’une manière

    ture du général Mouravieff. Lavroff était une proie trop précieuse pour qu’on l’épargnât : le 25 avril-7 mai il fut arrêté. Il fut condamné aux arrêts de forteresse pour un temps très court ; mais cette pénalité parut trop faible et l’empereur lui substitua la déportation sous la surveillance de la police dans l’un des gouvernements intérieurs : les géographes de la 3e section eurent l’ingéniosité de faire passer pour tel le gouvernement de Vologda et le 15/27 février Lavroff était déporté à Totma. L’année suivante on l’expédiait dans l’infime bourgade de Kadnikoff, où il devait vivre seul sous la surveillance de deux gendarmes.

    Bien loin que son énergie faiblisse durant cette période, son activité va croissant : en 1868-69, il publie dans la Semaine, sous le pseudonyme de Mirtov, ses « Lettres historiques », dont l’influence fut immense sur la jeunesse contemporaine : l’enthousiasme qu’elles soulevèrent fut profond et durable.

    Après trois années de déportation, le 15/27 février 1870, Lavroff, avec l’aide d’un camarade dévoué, Hermann Lopatine, quittait volontairement Kadnikoff et prenait le chemin de l’exil, pour se mettre à la tête du mouvement socialiste révolutionnaire qui commençait à se dessiner à cette époque.

    Le 13 mars 1870 il arrive à Paris. Il se lie immédiatement avec Varlin, qui le fait entrer dans l’Internationale.

    Il passe à Paris presque toute la période du siège et de la Commune ; l’ancien colonel d’état-major propose son aide à la Commune pour l’organisation de l’enseignement populaire ; peu après il se rend à Bruxelles, puis à Londres, pour demander à l’Internationale, dont on s’exagérait la puissance, de soutenir les insurgés de Paris.

    C’est à Londres qu’il rencontre Marx et Engels, avec lesquels il se lia plus étroitement par la suite, et qui favorisèrent son évolution vers le socialisme scientifique.

    Il rentre à Paris en 1871. En 1872, devenu membre de la Société d’anthropologie, il est invité par Broca à entrer dans la rédaction de la revue qu’elle publia depuis cette époque.

    La même année, il reçoit de Russie la proposition de fonder et de diriger une revue socialiste à l’étranger. En 1873 commence à paraître la revue socialiste révolutionnaire le Vpered ! (En Avant !). On comptait sur l’aide de Bakounine et de ses adhérents ; mais l’entente entre l’anarchiste et le socialiste ne put se faire et une rupture complète se produisit ; à côté du Vpered ! parut une revue bakouniniste résolument hostile.

    Toute la biographie de Lavroff depuis cette époque se résume presque entièrement en l’histoire de son activité intellectuelle colossale, qu’il consacre à l’étude de la pensée humaine en général, de l’idée socialiste en particulier, et plus spécialement de sa réalisation en Russie.

    Pierre Lavroff est mort à Paris le 6 février 1900, entouré d’une estime universelle. Son corps repose provisoirement dans le cimetière Montparnasse.