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PIERRE LAVROFF[1]



I

LA MÉTHODE SUBJECTIVE EN SOCIOLOGIE


En entreprenant une esquisse générale et succincte des idées du grand penseur russe dont les partis socialistes de tous les pays regrettent encore la disparition récente, je tiens avant tout à limiter ma tâche. Je ne m’occuperai que de ses idées fondamentales et directrices, au développement desquelles il ne cessa de travailler pen-

  1. J’emprunte à un article de M. E. Roubanovitch, publié dans la Petite République, les notes biographiques suivantes :

    Pierre Lavrovitch Lavroff naquit à Melekhovo, village du gouvernement de Pskov, le 2/14 juin 1823. Élevé chez ses parents jusqu’en 1837, il entra à cette date à l’École d’artillerie et fut promu officier en 1842.

    De 1844 à 1846, il professa d’abord dans cette École, puis à l’Académie d’artillerie de Saint-Pétersbourg, les sciences mathématiques élémentaires, et, plus tard, en remplacement du célèbre Ostrogradsky, les mathématiques supérieures.

    Son activité littéraire commença en 1856, mais dès 1852 il collabore, pour les questions d’artillerie, au Dictionnaire encyclopédique des sciences militaires, et peu après il participe la rédaction du Journal de l’Artillerie.

    Sa grande étude sur la « philosophie de Hegel » publiée par la Bibliothèque pour la lecture attire sur lui l’attention publique. Sa collaboration à cette revue, que dirigeaient Pisemsky et Boborykine, puis aux Mémoires de la patrie de Kraiewsky, à la Parole russe de Blagoswietlov et à quelques autres revues, se prolongea jusqu’en 1866.

    En 1861, il dirige la partie philosophique du Dictionnaire encyclopédique russe, de Kraievsky, et dès la préparation du deuxième volume, les collaborateurs de cet ouvrage le choisissaient pour leur rédacteur en chef. Il y publia de nombreux articles sur la philosophie, l’histoire, et en particulier l’histoire des religions.

    La publication du Dictionnaire fut suspendue par ordre supérieur. Dès cette époque, le gouvernement vit en lui un ennemi : « Coffrez-moi seulement cinq ou six meneurs, — (il s’agissait de Lavroff, de Tchernichevsky et de quelques autres) — et vous écrasez la révolution dans l’œuf », disait, dans une conversation particulière le prince d’Oldenbourg, quelques mois avant l’arrestation de Tchernichevsky.

    L’occasion s’offrit bientôt. En 1865, Lavroff était revenu d’un voyage à l’étranger avec sa femme malade (elle mourut cette même année). Le 1/16 avril 1866 eut lieu l’attentat de Karakosoff. Une période de terreur policière s’ouvrit alors sous la dicta-