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De là son action morale. Les convictions sont le trait caractéristique du domaine moral. Un homme sans conviction ne peut être moral. N’est pas moral celui-là non plus, qui ne cherche pas à agir selon ses convictions, à traduire ses convictions en actes.


IV

Mais les convictions morales peuvent se différencier entre elles, s’opposer même. Comment trouver un critérium objectif d’une « conviction morale » ? En d’autres termes, n’y a-t-il pas des convictions immorales ? Pierre Lavroff répond par l’affirmative. Sa réponse se base sur son principe du développement individuel progressif. Comme la conviction morale est elle-même un résultat de la critique appliquée au postulat du développement progressif, il est évident qu’elle ne peut pas contredire ces deux principes dont elle découle. Ainsi nous arrivons à un résultat décisif. Tout ce qui empêche et arrête le développement progressif de l’individu est immoral, tout ce qui empêche ou arrête la liberté de critique est immoral. Par contre, tout ce qui favorise le développement de l’individu ou la liberté de critique est nécessairement moral. La lutte pour des conditions qui font de ce développement et de cette critique une réalité vivante devient ainsi un devoir suprême pour l’individu Ces conditions peuvent être d’ordre matériel ou physiologique. La satisfaction des besoins physiologiques est nécessaire pour le développement moral. Elle est donc morale. Elle l’est cependant dans la mesure où elle n’entrave pas notre développement.

En définitive, l’idéal de l’homme moral se trouve résumé comme suit : le développement le plus grand possible de toutes les forces de l’individu, à l’aide de la critique rationnelle ; l’application de ces forces au développement ultérieur de l’individu convaincu, identifiant sa dignité personnelle et son bonheur avec son développement progressif.


V

Le lecteur a sans doute remarqué que les idées de Pierre Lavroff, que je viens d’exposer, n’ont trait qu’à un individu isolé. Mais notre penseur n’oublie pas un instant qu’il s’agit d’un individu vivant dans une société. Il ne l’isole que provisoirement, pour le mieux étudier comme on isole en expérimentant un phénomène naturel pour le mieux connaître. Après l’avoir étudié dans ses besoins et ses moyens qui lui sont propres, il le rend à la société où il l’a pris pour ainsi dire tout fait.

L’individu vivant dans la société primitive est l’esclave de la coutume, l’esclave de son milieu, de la tradition morale, prêt à la