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Ces deux énormes trônes, sur le peuple éperdu,
Tiennent à tout moment le trépas suspendu.
Ceci n’est rien encor ; mais si, dans la bagarre,
L’essieu que font crier les marbres de Carrare,
Se rompt, et tout à coup sur les passants surpris,
Du rocher ambulant verse les lourds débris,
Où retrouver les corps de cette populace ?
Comme un souffle léger, disparus sur la place,
Il n’en restera plus un seul membre, un seul os.
Cependant au logis, le reste des marmots,
Sans se douter de rien, dispose les assiettes,
Ranime le foyer, prépare les serviettes.
Le linge, les frottoirs, l’huile qui sert au bain,
Tout est prêt ; mais, hélas ! ils s’agitent en vain ;
Leur pauvre compagnon, à cette heure fatale,
Piteusement assis sur la rive infernale,
À l’aspect imprévu du sombre nautonnier,
Se désole, en pensant que faute du denier
Qu’au mettre de la barque il doit pour le péage,
Il ne pourra franchir le bourbeux marécage.



De la nuit maintenant vois les périls divers ;
Vois du haut de ce toit qui se perd dans les airs,
Ces cristaux mutilés, ces débris de vaisselle
Du passant dans la rue entamer la cervelle,
Et de leurs durs éclats écrasant le pavé,
Y laisser de leur chute un monument gravé.
Certes, il montrerait bien peu de prévoyance,
Celui qui, dans la ville, avec insouciance,
Sans avoir pour sa mort réglé tout en sortant,
Irait souper le soir chez l’ami qui l’attend.
Chaque bouge éclairé, chaque fenêtre ouverte
Le mettrait, dans sa route, à deux doigts de sa perte ;
Heureux si mille fois à périr exposé,
Par faveur singulière, il n’était qu’arrosé !



Un jeune furieux, en qui le vin fermente,