Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SATIRE II.


Je fuirais volontiers dans le fond des déserts,
Sur les monts de la Thrace et par delà les mers,
Quand j’entends ces Scaurus, effrontés sycophantes,
Qui prêchent la pudeur et vivent en bacchantes :
Francs charlatans d’abord, malgré tous les portraits
Dans leur bibliothèque assemblés à grands frais ;
Car la perfection pour ces fiers personnages,
C’est d’avoir acheté les bustes des sept sages,
Et de pouvoir montrer un Chrysippe parlant,
Un Cléanthe archétype, un Bias ressemblant.
Que le front est trompeur, et que d’affreux mystères
Se cachent trop souvent sous des dehors austères !
Ô toi, le plus impur de l’obscène troupeau
Qui du divin Socrate endossa le manteau,
Est-ce à toi de tonner contre nos turpitudes ?
De ces membres velus les poils épais et rudes
Promettent, je l’avoue, une mâle vigueur ;
Mais pourquoi déguiser ta secrète langueur ?
Archigène, à l’aspect de cet ulcère immonde,
Rit, au lieu de te plaindre, en y plongeant la sonde.
Voyez-les, ces docteurs, rongés de noirs soucis :
Ils portent les cheveux plus courts que les sourcils :
Ils répondent à peine, et leur haute prudence
S’enferme obstinément dans un profond silence.
Névolus est plus franc : sa démarche, ses traits,
Tout dévoile son mal, tout trahit ses secrets :
C’est le sort qui l’entraîne en ce gouffre funeste.