Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/357

Cette page n’a pas encore été corrigée

Passe pour sa Scylla, ses monstres mugissants,
Ses rochers dans les airs se heurtant sur sa tête,
Ses outres renfermant la foudre et la tempête,
Son Elpénor grognant avec ses matelots
Qu’un coup de sa baguette a changés en pourceaux.
Ainsi dut s’exprimer quelque habitant de l’île,
Dont le vin n’avait pas encore aigri la bile ;
Car ces faits merveilleux rapportés de si loin,
Ulysse n’en pouvait citer aucun témoin.

Pour moi, je vais conter un crime épouvantable,
Un crime sans exemple et pourtant véritable :
Le fait, sous Junius, arriva dans Coptos ;
C’est le crime d’un peuple ; et des plus noirs complots
Qu’ait jamais inventés la sombre Melpomène,
Aucun n’est comparable à cette horrible scène.
Quand vit-on en effet, depuis Deucalion,
Un forfait accompli par une nation ?
Écoutez donc ce trait de vengeance et de rage,
Ce trait dont la fureur n’appartient qu’à notre âge.

Entre les deux cités de Tentyre et d’Ombos,
Autrefois la discorde alluma ses flambeaux ;
Et depuis, une haine endurcie, implacable
A formé dans leur cœur un ulcère incurable.
De ces peuples rivaux le culte est différent,
Et chacun dans son zèle aveugle, intolérant,
Rendant à son voisin insulte pour insulte,
Croit qu’il n’est dû d’encens qu’aux objets de son culte.
Tel est de leur fureur le principe cruel.
Un jour que, préparant un banquet solennel,
Dans les temples sacrés, sur les places publiques,
Tentyre rassemblait ses tribus fanatiques,
Tout à coup dans Ombos on conçoit le dessein
De venir les troubler au milieu du festin,
Longue et bruyante orgie où la septième aurore,
À table quelquefois les retrouvait encore.