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SATIRE XI.


D’un banquet fastueux la superbe ordonnance,
Chez Bassus est grandeur, chez Rutilus, démence.
Dans le fait, est-il rien dont on se moque plus
Que des profusions d’un pauvre Apicius ?
Aussi, dans les soupers, sur les places publiques,
Aux théâtres, aux bains, que de traits satiriques
Viennent sur Rutilus pleuvoir de toutes parts !
Jeune, robuste, propre aux fatigues de Mars,
On dit que, sous les lois d’un dur maître d’escrime,
Il va du mirmillon apprendre l’art sublime;
Et ce n’est plus César qui l'exige de lui !
César de le souffrir se contente aujourd’hui.
Combien j’en citerais que, pour les mieux surprendre,
Aux abords du marché l’usurier court attendre,
Et dont le seul motif de vivre est de manger !
Plus ils sont obérés, plus s’accroît le danger
De voir avec fracas éclater leur ruine,
Moins ils mettent de borne aux frais de leur cuisine.
Ils ne calculent plus. L’eau, la terre, les airs
Leur doivent le tribut des morceaux les plus chers :
Que dis-je ? il n’en est point d’assez chers pour leurs tables,
Et c’est le prix surtout qui les rend délectables.
  Leur faut-il, pour fournir à ce luxe effréné
Un argent à périr aussitôt condamné ?
La chose est toute simple ; ils iront à l’enchère
Exposer les débris du buste de leur mère,
Leur dernier vase d'or, et, sur un plat grossier,