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Des lois et du sénat respecte la puissance :
Vois de l’homme de bien qu’elle est la récompense :
Vois du Cilicien hardis spoliateurs
Capiton, Numitor, ces avides préteurs,
Corsaires enrichis aux dépens de corsaires,
Crouler en plein sénat sous des foudres sévères ;
Mais que font au brigand qui remplace Verrès,
Du sénat irrité les impuissants décrets,
Si le peu que laissa ce proconsul avare,
Un autre sur ses pas arrive et s’en empare ?
Si Tutor à Verrès succède sans effroi ?
Vends tes derniers haillons, Chérippus, et tais-toi.
A quoi bon, pour te plaindre, affrontant le naufrage,
Aller risquer encor les dépens du voyage ?

Les vaincus, accablés d’un joug moins rigoureux,
Au temps de la conquête étaient encore heureux.
Ils portaient sans gémir le fardeau de leurs chaînes :
Le vol était proscrit : les maisons étaient pleines :
La pourpre s’y montrait parmi des monceaux d’or ;
Et des Parrhasius, des Myron, des Mentor,
L’art, animant la toile et le marbre et l’ivoire,
Des beaux jours de la Grèce y conservait la gloire.
C’est plus tard que l’on vit un Antoine, un Verrès,
Pirates triomphants à l’ombre de la paix,
Des tributs entassés de vingt peuples fidèles,
Charger furtivement leurs poupes criminelles.
Maintenant que ravir à ces infortunés ?
D’un troupeau languissant les restes décharnés ;
Un taureau sans vigueur, quelques bœufs faméliques,
Ou les bustes sacrés de leurs dieux domestiques,
S’il leur en reste un seul de quelque prix encor ;
Car est là leur plus cher et leur dernier trésor.
Des peuples énervés de Rhodes et de Corinthe,
Méprise, j’y consens, la mollesse et la plainte ;
Leur murmure impuissant n’est point à redouter ;