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Aux hommes vraiment grands dont la vertu t’honore.

Mais laissons là ce fat enorgueilli, dit-on,
Et gonflé de l’honneur d’être issu de Néron :
Chez tous ces favoris de l’aveugle fortune,
Le sens commun n’est point une chose commune.
Pour toi, cher Ponticus, j’aurais trop de regret,
Si de ton propre honneur négligeant l’intérêt,
Quand tu peux par toi-même illustrer ta mémoire,
Le nom de tes aïeux faisait toute ta gloire.
Il est trop malheureux de n’avoir pour appui
Que le fragile étai du mérite d’autrui.
Tel, privé du soutien d’une colonne antique,
S’écroule tout à coup un temple magnifique ;
Tel un cep tortueux vers la terre penché,
Languit loin de l’ormeau dont il est détaché.

Sois fidèle tuteur, sois soldat intrépide :
Juge, à tous tes arrêts que l’équité préside ;
Et s’il faut témoigner sur un fait incertain,
Quand lui-même, à tes yeux, de son taureau d’airain,
Phalaris, préparant l’effroyable torture,
Viendrait, le glaive en main, te dicter un parjure,
Résiste, et des bourreaux défiant la fureur,
Songe que préférer l’existence à l’honneur,
Et renoncer, pour vivre, aux motifs de la vie,
Est le comble du crime et de l’ignominie.
Qui mérite la mort n’existe déjà plus :
C’est en vain que, parmi les mets d’un Lucullus,
Les huîtres de Lucrin sur ses tables abondent,
En vain que de Cosmus tous les parfums l’inondent.

Tes vœux sont accomplis, te voilà gouverneur ;
Mais à ce haut emploi porté par la faveur,
Prends garde à l’avarice, étouffe la colère,
Des peuples alliés épargne la misère ;
Là tu verras des rois, spectacle attendrissant !
Dont les questeurs de Rome ont sucé tout le sang :