Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/177

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Je viens, du ton pompeux d’un Sophocle ampoulé,
Conter avec emphase à mea lecteurs crédules,
Des excès inconnus sur les monts des Rutules,
Des crimes que jamais les Latins n’ont commis.
Plût au ciel, Posthumus ! mais écoute et frémis.
Oui, te dit Pontia, le crime est véritable
C’est moi qui fis périr mes enfants à ma table :
Du poison par mes mains le vase fut rempli :
Je l’ai fait, on m’a vue, et je n’ai point péri.
— Quoi ! deux fils innocents, détestable vipère,
Ont péri de ta main, de la main d’une mère !
Deux en un seul festin ! —Sept, dans un seul festin !
Si j’en avais eu sept, seraient morts de ma main !
— Du barbare Térée épouse parricide,
Et toi, monstre odieux qu’enfanta ta Colchide,
A vos plus noirs complots nous croyons maintenant ;
Vos meurtres, vos poisons n’ont plus rien d’étonnant ;
Tout est vrai ; mais du moins, si vous fûtes cruelles,
L’or n’a point mis le glaive en vos mains criminelles.
La femme que transporte un accès de fureur,
Quel que soit son forfait, m’inspire moins d’horreur ;
C’est un roc menaçant dont la masse ébranlée,
Du mont dont il s’arrache, au fond de la vallée
Tombe et se précipite et roule avec fracas.
Le plus tache, à mes yeux, de tous les attentats,
C’est celui qu’une avare et perfide mégère
Médite froidement et commet sans colère.
Tous les jours sur la scène, attendrissant les cœurs,
Alceste, en s’immolant, nous fait verser des pleurs :
Offrez à nos beautés la même alternative :
Dites à cette épouse au spectacle attentive,
De choisir d’un Admète ou d’un chien favori ;
Son choix est déjà fait : périsse le mari.
Vous trouverez partout quelque sœur d’Hypermnestre,
Et demain chaque rue aura sa Clytemnestre.