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Sa vaisselle d’argent, son dernier vase d’or,
D’un imberbe histrion tout devient le partage.
La plupart à l’étroit vivent dans leur ménage ;
Mais de la pauvreté conservant la pudeur,
Aucune de ses vœux ne modère l’ardeur.
Les hommes quelquefois, songeant à la vieillesse,
Prennent de la fourmi des leçons de sagesse ;
La femme ne prévoit ni la soif ni la faim :
L’or, sans qu’elle le sente, échappe de sa main ;
Et, quand il faut jouir, ardente, insatiable,
Comme si, dans les flancs d’un coffre inépuisable,
Les écus renaissaient au gré de ses désirs,
Elle ne compte pas le prix de ses plaisirs.

D’autres, dans leurs amours, consultant la prudence,
A l’eunuque impuissant donnent la préférence ;
Ses baisers que sans crainte elles peuvent goûter,
Ne les exposent point à se faire avorter.
Le plaisir n’y perd rien ; et quand d’Héliodore,
Au moment attendu, l’acier le déshonore,
C’est qu’à leurs yeux déjà l’homme est fait tout entier,
Et l’opération ne fait tort qu’au barbier.
L’esclave ainsi traité par sa belle maîtresse,
Eclatant de fraîcheur, rayonnant de jeunesse,
Attire tous les yeux, en entrant dans nos bains,
Et délierait le dieu qui préside aux jardins.
Qu’au lit de ton épouse il aille prendre place ;
Mais sache, ô Posthumus, de sa lubrique audace
Sauver ton Bromius dont le poil déjà noir,
Indice de vigueur, appelle le rasoir.

Le goût de la musique a-t-il saisi ta femme ?
Plus de chanteur gagé qui résiste à sa flamme :
Plus d’anneau qui ne cède et ne tombe à sa voix.
Les instruments toujours résonnent sous ses doigts ;
Et la riche cithare, où la perle étincelle,
Ne répond qu’à l’archet de son cher Hédymèle.