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Lorsque le matelot, que la froidure assiège,
Se voit dans sa cabane enfermé par la neige,
Elle veut qu’en dépit et des vents et des flots,
On courre lui chercher les plus rares cristaux,
Les murrhins les plus grands, les perles de l’aurore,
Et ce beau diamant plus précieux encore,
Depuis que d’Agrippa, complice de ses feux,
Bérénice en reçut le don incestueux,
Chez ce peuple où les rois, comme la foule obscure,
Aux fêtes du sabbat assistent sans chaussure,
Et mieux que leurs sujets traitant de vils troupeaux,
Laissent paître sans trouble et vieillir leurs pourceaux.

Quoi ! dans un si grand nombre, eu ville, à la campagne,
Je ne trouverai pas une digne compagne !
— Je veux que le destin t’en ait fait une exprès
Dont l’aimable décence égale les attraits ;
Qui joigne à la beauté les vertus domestiques ;
Qui soit riche, féconde, et qui, sous ses portiques,
Avec magnificence étale à tous les yeux
Les bustes triomphants de ses nobles aïeux :
Une femme en un mot pareille à ces Sabines
Qui, les cheveux épars, pudiques héroïnes,
Coururent au milieu d’un combat plein d’horreur,
Désarmer des époux, des pères en fureur :
Phénomène, à coup sûr, peu commun en cet âge,
Et non moins merveilleux qu’un cygne au noir plumage ;
Ce phénix, cette épouse accomplie en tout point,
Qui pourrait la souffrir ? moi, je n’en voudrais point,
Et, dédaigneux du lit d’une patricienne,
J’irais plutôt chercher quelque Vénusienne,
Que de vous épouser, vous, mère des Gracchus,
Si, gonflant votre dot de toutes vos vertus,
Sans cesse vous veniez, des exploits de vos pères,
Le sourcil rehaussé, m’opposer les chimères.
Laissez-moi, vous dirais-je, avec votre Annibal,