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De ces jeunes marmots, gazouillant à sa table,
Il feindra de trouver le babil agréable,
Et même, sous tes yeux, leur fera quelquefois
Donner un habit vert, un as ou quelques noix.

 

Aux convives obscurs et du dernier étage,
Des champignons suspects sont donnés en partage.
On en garde aux Virrons, de meilleurs, de plus sains,
Tels que Claude en mangeait avant que, de ses mains,
Sa femme, lui servant ce régal si délectable,
En fit le dernier mets qui parut sur sa table.
Enfin viennent des fruits d’un parfum délicat,
Dont vous ne jouissez, vous, que par l’odorat ;
Des fruits pareils à ceux que la riche Pomone,
Sous le ciel toujours pur d’un éternel automne,
Prodiguait dans Corcyre au sage Alcinoüs,
Et qu’on croirait ravis aux filles d’Hespérus.
Pour toi, tu recevras quelque pomme flétrie,
Ainsi que dans les camps et loin de sa patrie,
Eu ronge ce soldat qu’un farouche guerrier,
Le sarment à la main, forme à son dur métier.

 

Peut-être diras-tu que c’est par avarice
Que Virron te condamne à ce honteux supplice.
Non : il veut s’amuser de tes lâches douleurs.
Quel mime plus parfait qu’un parasite en pleurs ?
Tout est donc calculé, s’il faut qu’on te le dise,
Pour tromper ton espoir, vexer ta gourmandise,
Te faire, de dépit, pleurer, grincer les dents.
Tu crois que de Virron amis indépendants,
Tes pareils, en égaux, sont admis à ses tables !
Il vous regarde, lui, comme des misérables,
Des bouffons alléchés par l’odeur d’un repas, -
Et, dans sa conjecture, il ne se trompe pas.
Quel Romain, en effet, assez dans l’indigence,
Si de la bulle d’or il orna son enfance,
Si l’humble nœud de cuir le para seulement,